Depuis que le Premier ministre a «instruit» un peu tout le monde pour que les «commerces» restent ouverts jusqu'à une heure avancée de la nuit pour permettre aux Algériens de sortir et de se défouler, on a pu apprécier le nouveau visage de nos villes : il ressemble étrangement à celui d'avant. Et pour cause, rien n'a changé en l'occurrence ! Même s'il y avait quelques commerçants à avoir répondu à l'appel de M. Sellal, par appréhension de représailles ou par… curiosité, ça ne se verrait pas. La majorité d'entre eux ayant l'habitude d'ouvrir «normalement» leurs magasins jusqu'à une certaine heure de la nuit, pendant ce mois de ramadhan, sans que le Premier ministre ne les invitent avec autant de solennité à le faire ! Confusion pour confusion, on ne sait d'ailleurs pas si l'instruction du premier ministre, qui aurait d'ailleurs été relayée à tous les niveaux des collectivités territoriales, est valable uniquement pour la période de ramadhan ou pour tout le reste de l'année. Parce que si c'est pour ces trente jours de jeûne et pour une si petite ambition, le Premier ministre peut déjà être rassuré : son initiative est une… grande réussite. Le problème est qu'elle n'y est pour rien, son instruction. Les… cafés étant toujours ouverts à cette période et les Algériens ayant tout de même gardé cette petite part d'humanité qui consiste à sortir flâner un peu après la rupture du jeûne. Mais comme on ne jeûne pas toute l'année, il serait intéressant de voir la suite. Parce qu'après l'Aïd, l'ouverture des cafés et des magasins ne suffira pas pour mettre les Algériens dehors, Monsieur le Premier ministre ! Et c'est là que se mesurera la pertinence de votre mesure et son efficacité. Surtout que vous ne pourrez plus oser cette formule : «Les algériens ont besoin d'aller souffler et se détendre après les tarawih». Les tarawih, il n'y en aura plus et il va bien falloir s'occuper des autres Algériens qui aimeraient bien s'éclater autrement qu'en faisant du lèche-vitrines avant de s'installer à la table d'un café pour se reposer de leur marathon. Il va falloir non pas appeler à ce qu'il y ait des spectacles mais les organiser. Il va falloir plus que demander l'ouverture des théâtres et des salles de cinéma mais en construire. Il va falloir arrêter de fermer les bars. Il va falloir non pas «tolérer» quelques bouges malfamés mais ouvrir de vraies discothèques. Il va falloir des bus humanisés et des taxis à la place de… voitures-bus. Il va falloir des policiers qui assurent notre sécurité à la place des vigiles barbus qui s'occupent de nos mœurs. Il va falloir des gendarmes qui traquent les agresseurs, les pickpockets et les dealers au lieu de pourchasser les «casseurs» de ramadhan et les jeunes couples pour délit de câlin. Pour tout cela, il va falloir un choix de société et du courage politique pour l'imposer. Et il va falloir beaucoup plus pour nous convaincre que c'est le cas actuellement. Sinon, ça se saurait. Pour l'heure, on sait seulement que la police a encore été chercher dans une descente musclée des hommes cassant la croûte dans un café de village à porte fermée, les quelques femmes osant encore le maillot de bain sur la plage sont terrorisées et les toilettes sont toujours un cauchemar pour qui voudrait se soulager… au cœur de la capitale ! Pour le reste, il n'est même pas besoin d'attendre la fin de ramadhan pour savoir que tout sera comme avant. A commencer par les premiers jours qui suivront l'Aïd. Pendant une semaine quasiment, on n'aura même pas droit au pain et à l'eau. Nous sommes déjà dans la vraie vie.