Plus qu'une épopée, c'est l'un des plus beaux récits de la geste héroïque populaire algérienne. La guerre de libération nationale a touché en profondeur à tous les domaines de la vie du peuple algérien. Elle lui a redonné confiance, dignité, courage. Elle a encore davantage développé en lui son amour infini de la justice et de la paix. Des espérances sont nées, des promesses des plus simples et des plus éblouissantes ont été faites au cours des combats, - dans les exploits comme dans les sacrifices. L'enthousiasme de libération du joug colonial a rendu possible l'impossible. Cette immense geste de l'Armée populaire a aussi un de ses éminents témoins et acteurs : Mohamed Téguia, né en 1927 à El-Asnam (Chlef, aujourd'hui), décédé en 1988. Il avait choisi de dire dans son ouvrage L'Armée de Libération Nationale en Wilaya IV(*), ce qu'il a vécu, et donc ce qu'il a connu le mieux, de cette partie de l'histoire de la guerre d'Algérie. En effet, après avoir milité au sein de la Fédération de France du FLN, il a rejoint le maquis algérien. Sa formation d'opérateur dans les transmissions, une fois terminée, il sert trois ans durant dans la wilaya IV en qualité de chef du Service de Propagande et d'Information (SPI). En août 1961, grièvement blessé à Blida, il est fait prisonnier. Il est détenu au camp militaire d'internement spécial de Boghari où les services français de renseignements et de répression faisaient subir aux prisonniers (comme en témoignent d'autres patriotes) des traitements inhumains. Aussitôt libéré (avril 1962, en application de l'Accord de cessez-le-feu, signé à Evian le 18 mars 1962), «il rejoint le commandement de la wilaya IV qui le nomme membre du conseil de la zone 2, avec le grade de lieutenant». Ensuite, en Algérie indépendante, une autre vie l'attend. Il la raconte en l'incluant indirectement, par touches discrètes, dans celle qu'il n'a jamais oubliée: sa vie de moudjahid au service de sa patrie. La présente publication est reprise d'un mémoire de maîtrise d'histoire soutenu par l'auteur à l'université de Paris VIII, en juin 1974, et dont le titre original est: L'A.L.N., vue à travers un échantillon: la wilaya IV. Notons que, deux ans après, en 1976, il soutient une thèse de 3e cycle, éditée par l'OPU, sous le titre L'Algérie en guerre. Dans son introduction à ce dernier travail, et, à la suite d'une déclaration officielle accordant «un intérêt certain à l'écriture de l'histoire et notamment à celle ayant trait à la guerre de libération», Mohamed Teguia observait et écrivait déjà: «Mais les plus connus des auteurs algériens spécialisés gardaient un inquiétant mutisme qui devait avoir une raison, mais laquelle? Ce silence pouvait probablement s'expliquer, dans un sens, mais il était difficile de le justifier devant la profusion des ouvrages produits à l'étranger et essentiellement en France où l'on comptait plusieurs centaines de livres sur le sujet. Outre le manque à gagner qu'il occasionnait dans le domaine de l'histoire, ce silence n'encourageait guère ceux des Algériens de formation plus récente et aux connaissances plus modestes à se lancer dans une entreprise jugée non encore maniable - par hypothèse - de l'avis des experts.» Bien entendu, depuis lors, et, en particulier ces dernières années, des études d'auteurs algériens ont été publiées. Néanmoins, il est encore rare de lire l'histoire de la guerre de libération algérienne vue de l'intérieur, une histoire vécue, à «effet de réel» que souligne justement Madeleine Rebérioux, préfacière engagée de l'étude: l'Armée de Libération Nationale en wilaya IV. C'est que Mohamed Teguia a effectivement écrit un témoignage, presque «impersonnel», car serein, dénué de toute gloriole mais très enthousiaste comme il convient, comme se doit être une passion patriotique, et très détaillé, au vrai et au juste, sur les caractéristiques et le fonctionnement de la wilaya IV pendant la guerre de libération. A la suite d'une Introduction précisant la situation géographique de la wilaya 4, son peuplement et ses ressources, trois grands chapitres présentent ce témoignage: 1-1954/1958: Des premiers coups de feu à l'épopée (l'épisode politico-militaire «Arrestation du commandant Azzedine et tentative d'une opération «Paix des braves»» est amplement évoqué); 2- Le temps des grandes épreuves: 1959/1962; 3- La wilaya 4, du cessez-le-feu à la dissolution. Une conclusion de trois pages donne la mesure de la haute réflexion de l'auteur et se résume peut-être en ces phrases: «On dit que l'enthousiasme des masses était tombé à la suite de la crise de l'été 1962, c'est vrai. Mais il n'était pas mort. Une étincelle suffisait à le faire revivre, et sans cet enthousiasme, même diminué, on ne comprendrait pas comment, après tous les coups reçus depuis le cessez-le-feu jusqu'aux lendemains de l'indépendance, le pays ait pu tenir debout.» Voilà donc un témoignage qui va sans doute apporter des informations très utiles à la volonté générale actuelle de mettre à la portée de tous des éléments concrets que réclame l'indispensable écriture de l'histoire de la Révolution de notre pays. Tant de documents sont épars, dispersés «dans la nature», ou sont sous le coude, attendant le moment propice d'être archivés, comme si l'on n'a pas perdu assez de temps! Il semblerait, parfois, à nos chercheurs - et même aux simples citoyens - que, dans ce domaine précis, la possession de documents relatifs à la Révolution soit pensée par certains comme une attitude individualiste et égoïste relevant d'un esprit capitalisme d'un genre nouveau. A moins que cela ne relève d'autre chose, ou bien ne regarde ni le chercheur ni le simple citoyen.