Le véritable retour du parti sur la scène politique est le fait d'une courageuse politique de rajeunissement de sa direction. Sitôt l'indépendance acquise, le FLN commençait à perdre ses couleurs. Sous Ben Bella, le Front, qui a été à l'avant-garde de la libération du pays, s'est peu à peu transformé en petite formation, obéissante aux injonctions des véritables décideurs du pays. Ces derniers, tous issus de l'ANP, ont transformé le FLN en appareil de propagande au service du régime. Il est certes des circonstances historiques, susceptibles d'être à la décharge de ceux qui ont opté pour ce choix, mais le fait, est là. La consécration du Front en tant que parti unique, l'a, quelque peu, vidé de nombreux militants aguerris et a permis à une faune d'opportunistes, très enclins à accepter le statu quo imposé par les militaires, d'émerger. Cependant, les historiens autant que les observateurs qui suivent l'évolution du FLN, attestent du fait que malgré l'hémorragie de cadres consécutive aux purges constatées après l'indépendance, le parti recelait des militants de valeur. On reconnaît aux différents patrons du FLN une stature d'hommes politiques hors pairs, doués d'une intelligence supérieur. En effet, chaque patron du FLN prend ses racines dans le combat libérateur du pays. Que ce soit Khider, Cherif Belkacem, Kaïd Ahmed, Cherif Messaâdia ou Benhamouda, le FLN a gagné de les avoir dans ces rangs. Ces figures de la lutte pour l'indépendance du pays ont tenu la barre du FLN de l'indépendance à 2001. Une période où le parti tirait sa légitimité de la révolution de Novembre. De 62 à 63, une phase d'instabilité politique caractérisait le parti. Durant cette année charnière, Khider avait l'essentiel pour maintenir un certain équilibre avant de s'envoler en Suisse, avec, dit-on, le trésor du FLN. Un argent qui, aux dires de beaucoup d'historiques, n'avait pas servi à des fins d'enrichissement, mais au financement des partis d'opposition de l'époque: le FFS d'Aït Ahmed et le PRS de Boudiaf. Le FLN reflétait les luttes intestines qui minaient le pouvoir réel en Algérie. Aussi, après le départ de Khider qui ne s'entendait pas avec le Président Ben Bella, Cherif Belkacem prend la relève pour une courte période et a dû rendre son tablier après «le redressement révolutionnaire» de Boumediene un certain 19 juin 1965. Tenant le pays et le parti de main de maître, le deuxième président de l'Algérie indépendante avait réussi à imposer une certaine stabilité institutionnelle qui aura duré plus de dix ans. Période durant laquelle, le parti soutenait sans sourciller les plans de développement où il était question de révolutions industrielle, culturelle, agraire, etc. Un soutien tout de même nuancé par le coup de gueule de Kaïd Ahmed qui s'est opposé à la ligne directrice du pouvoir sur la question de la révolution agraire. Mais la chape de plomb qui caractérisait la vie politique de l'époque n'a rien laissé transparaître. Le départ de Kaïd Ahmed est passé presque inaperçu au niveau de l'opinion et l'intérim assuré par Mohamed-Chérif Messaâdia a permis au parti de sauvegarder son équilibre interne. La ligne imprimée par Boumediene aux affaires du pays n'a donc souffert aucun faux pas. L'Algérie était demeurée socialiste, menée, en façade, par un parti dont les militants vantaient à tue-tête les mérites d'un Boumediene omniprésent et véritable maître du pays. Le FLN transformé en appareil politique débattait rarement des imperfections de la démarche présidentielle, mais des observateurs reconnaissent à sa direction le génie de surfer sur les événements pour maintenir debout un parti, pourtant traversé par de nombreux courants. En d'autres termes, alors que les décisions importantes pour l'avenir du pays étaient prises dans le cercle présidentiel, les patrons du FLN avaient pour mission de veiller à donner un contenu politique à la démarche du premier magistrat du pays. A la mort de Boumediene, Messaâdia prend officiellement les rênes du FLN. La période Chadli, caractérisée par un virage politique très important, notamment sur le plan économique, a mis le parti devant une situation des plus inconfortables. Durant toute la décennie 80, Messaâdia était au charbon. La montée de l'islamisme, la timide ouverture du champ politique à partir de 86, mettait le FLN au banc des accusés. On sentait déjà les prémices d'octobre 88, à travers des émeutes qui ont éclaté un peu partout dans le pays, dont celles de Sétif, révélatrices d'un malaise social profond, résultat d'un processus de désinvestissement et de choix politiques mal négociés par le pouvoir et imposés au FLN. Aussi, toutes les critiques convergeaient vers ce parti et Messaâdia, mis en avant, a été diabolisé par une propagande savamment orchestrée. Quand se produisit le séisme d'octobre 88, deux ans après la cible était toute désignée et les hommes du système ont réussi à écarter Messaâdia, remplacé par Mehri, et à maintenir Chadli qui une année plus tard brigue un second mandat. Dans cette phase délicate de l'histoire du pays où l'équilibre venait de rompre, seul Messaâdia a payé très cher la facture. Sous Mehri, le FLN prend le chemin de l'opposition et divorce avec le système auquel il a de tout temps assuré l'équilibre. En engageant le FLN sur la voie de Sant'Egidio, il officialise la rupture et amène le pouvoir à créer une autre formation politique pour assurer la pérennité du système. Avec Mehri, l'ex-parti unique a glissé vers une position qui l'a éloigné de sa mission originelle. Le premier redressement est venu par l'entremise du «coup d'Etat scientifique», concocté par Belayat et qui a abouti à l'installation de Benhamouda à sa tête. Dès lors, le FLN est revenu sur la voie et a pu réaliser un score honorable aux élections législatives et locales de 1997. Le véritable retour du FLN sur la scène politique est le fait d'une courageuse politique de rajeunissement de sa direction à l'occasion de la nomination de Ali Benflis au poste de secrétaire général en septembre 2001. Prônant la modernité et la démocratie participative, le parti a réussi avec brio son examen de passage lors des rendez-vous électoraux de 2002. Renforcé par la dynamique nouvelle, le FLN entamera demain une autre étape très importante de sa mue. Le congrès constitue, en effet, une halte nécessaire pour retenir les enseignements du passé et affronter l'avenir en véritable parti appelé à gouverner au sens propre du terme.