Eduquer et instruire, c'est plus par la langue que par le bâton, dit un sage pédagogue. Instaurer la discipline en classe a toujours été «la hantise» de beaucoup d'enseignants, qu'ils soient débutants ou anciens dans la carrière. C'est qu'il court pas mal d'anecdotes racontées par les enseignants eux-mêmes où ils apparaissent tantôt comme de pitoyables victimes de troupes d'enfants sauvages tantôt comme d'impitoyables conquérants d'une salle de classe peuplée d'élèves soumis. La chose n'est pas d'aujourd'hui, de nombreux ouvrages pédagogiques bien connus traitent de ce vrai problème de la discipline en classe. J'ai essayé de l'évoquer dans un précédent article de Reflets sous le titre «Des enfants terribles...et des maîtres cruels.» J'aurais dû y reproduire les deux vers du poète pakistanais Mohammed Iqbal qui sont, à mon sens, à conseiller aux maîtres et à méditer par tous. Les voici: «Je porte plainte, ô Dieu, contre ces divinités: les maîtres d'école! / Ils enseignent aux petits faucons à jouer avec de la poussière!» Que faire, en effet, contre ces petits sauvages qui ne font ni leurs exercices ni leurs devoirs scolaires, qui sont désobéissants, malicieux, menteurs, jaloux, dédaigneux, insolents, hyperactifs, méchants, bagarreurs? La liste est longue. Et face à tant d'ingénieux supplices, quel doit être le comportement du maître ou de la maîtresse? Certes, il faut réagir, il faut punir. Mais la sanction doit être humaine, pédagogique, non érigée en système répressif personnel usant de moyens contraires à l'éducation, ce beau mot qui veut dire aussi «élever». Un éducateur a-t-il le coeur à châtier un enfant, à être un bourreau d'enfant? Comment ne craindrait-il pas qu'un simple geste (une main trop lourde, un coup de baguette flexible ou noueuse) pourrait causer un accident grave à sa victime et le conduire à la Correctionnelle? Hélas! des enseignants, excédés par l'indiscipline de leurs élèves, et cédant à une irascibilité devenue maladive, recourent encore aux châtiments corporels qui sont pourtant strictement interdits par l'Education nationale, comme en témoignent chaque année les nombreuses circulaires émanant des Autorités administratives et pédagogiques de cette Institution éducative. Effectivement, les règlements régissant la scolarité des enfants existent, et particulièrement dans le domaine de la punition qui est différente de la «correction» qui, elle, doit être une activité stimulante pour l'enfant, doit l'aider à réfléchir et lui procurer, en quelque sorte, la sagesse. Quant à la punition, elle doit être exceptionnelle et jamais appliquée au détriment du respect dû à l'enfant, pas plus qu'elle ne doit être «nuisible» à ses progrès scolaires. Ainsi le règlement interdit expressément les châtiments corporels quelle que soit leur forme ; les positions infamantes (mise à genoux, bras tendus portant un poids quelconque, port d'un bonnet d'âne, etc.); les corvées (ramassage de papier en guise de punition, copier des dizaines et des centaines de lignes de texte, etc.). En revanche, de nombreuses dispositions peuvent être prises pour «éduquer» l'élève. Comme il existe le «bon point» pour récompenser l'élève, il existe le retrait de point ou le «mauvais point» pour sanctionner une faute. De même, la réprimande peut avoir un effet bénéfique si elle est judicieusement appliquée alternant encouragements, recommandations, conseils, compliments. La privation partielle de récréation peut être efficace dans la mesure où elle n'est pas excessive. La retenue, quand il est possible de surveiller l'enfant puni, a une vertu éducative pour autant qu'elle soit de courte durée et qu'elle porte sur une tâche scolaire valorisante. Quant à l'exclusion, elle doit être motivée par une faute grave ou une récidive grave, et de toute façon, elle est toujours prononcée après avis du conseil des maîtres. Mais pourquoi, l'enseignant ne pense-t-il pas avant tout à «éduquer et instruire, plus par la langue que par le bâton», à tout faire pour créer un climat propice aux activités scolaires? Certes, ce n'est pas facile. Enseigner, c'est un métier difficile. Il exige, en plus des connaissances scientifiques et culturelles, une disponibilité permanente, une force de caractère indéniable; - et pour tout dire, l'enseignant doit jouir d'une bonne santé morale et physique. Et mentale. Cela dit, je crois, je voudrais qu'on me le concède, qu'à côté de l'enseignant et du médecin, il n'est pas de profession où le devoir passe d'abord par l'amour du métier. La passion aussi favorise cet héroïsme tranquille et professionnel qui, avec probité et conscience, tente de sauver l'être humain de l'ignorance ou de la mort. Car si l'enseignant fait mal son métier, c'est toute une génération d'élèves qui sont privés de savoir; si un médecin fait mal son métier, c'est, à chaque consultation, une vie en danger.