Il est vraiment difficile de réaliser le portrait d´un homme politique ou d´un artiste du début du siècle dernier, tant les archives filmées sont rares. Seuls quelques pays européens, avantagés par le cours de l´Histoire, la Grande-Bretagne (à cause de son avance technique), l´URSS (parce qu´elle a récupéré la totalité des archives filmées du 3e Reich) et l´Allemagne (à cause de sa rigueur et de son ouverture tous azimuts), réussissent à retracer le parcours d´une célébrité à renfort d´images ou de témoignages le concernant. Des promesses ont été ainsi réalisées dans la biographie d´Hitler : un rat de filmathèque avait réussi à dénicher un plan d´actualités datant des années 20 montrant Adolf faisant partie d´un service d´ordre dans une manifestation. Un autre exploit a été réalisé quand on a trouvé un témoignage d´Edith Piaf (1931, alors qu´elle n´était qu´une entraîneuse dans un bar), à propos du meurtre de son protecteur. Mais la plus grande prouesse est de réaliser le portrait d´un personnage de fiction, tout droit sorti de l´imagination fertile d´un écrivain fécond. C´est le défi qu´a relevé Historia Channel en réunissant, lors d´une soirée mise en scène, un Dr Watson prolixe à propos de ses souvenirs sur Sherlock Holmes, le génial détective enfanté par le cerveau prolifique de Sir Arthur Conan Doyle. Dans l´histoire des héros de romans ou de bandes dessinées, seuls trois personnages ont eu droit à une statue, un musée et une fondation : Sherlock Holmes, le père de tous les détectives, Tintin et le commissaire Maigret. Il faut rappeler qu´à l´origine, les aventures du célèbre détective étaient publiées dans un hebdomadaire londonien The Strand Magazine. Sir Arthur Conan Doyle avait avoué modestement qu´il avait créé ce personnage que pour une existence éphémère, mais devant le succès rencontré auprès des lecteurs, il a dû rallonger indéfiniment les exploits de ce détective hors pair. C´est un personnage contemporain des grands progrès scientifiques de la fin du XIXe siècle, qui va exploiter les progrès techniques par un esprit de déduction développé, par un quotient intellectuel hors du commun. C´est un esprit d´une grande culture qui est au courant de toute l´actualité du moment, que ce soit en Europe ou dans le grand empire britannique dont Londres va recevoir tous les échos. Il développera les mêmes thèses que Sigmund Freud sur l´importance de l´enfance dans le comportement des criminels, comme il se rapprochera des thèses positivistes d´Aujuste Comte sur l´importance du déterminisme social dans une capitale victime de l´exode rural, de l´exploitation éhontée de la misère (cf. le Roman de quat´sous), que dénoncera Marx dans de nombreux écrits. Le brouillard londonien aussi n´est pas tout à fait étranger à l´augmentation de la criminalité, ce qui justifiait la création d´un personnage de génie, secondé par une intelligence moyenne (le Dr Watson). La mysoginie, la morphinomanie tout comme la célèbre pipe seront les autres facettes d´un esprit positif confronté au génie du crime (professeur Moriarty). Le portrait de Sherlock Holmes est sans conteste un portrait fidèle de l´Angleterre victorienne. Une soirée édifiante!