Quarante-sept ans! Un bel âge! C´est celui de l´Indépendance de l´Algérie. Un âge de maturité dirions-nous, même si 47 ans pour un pays, cela reste peu au regard de la longue histoire séculaire qui a été celle du territoire national depuis la Numidie jusqu´à l´Algérie d´aujourd´hui. Au moment où le peuple algérien célèbre les quarante-sept ans du retour à la souveraineté de l´Algérie, obtenue après les immenses sacrifices que ses fils ont eu à consentir, se pose et continue de se poser en fait, l´histoire du Mouvement national en général, celle des sept années et demie de guerre, en particulier. De ce point de vue, il faut déplorer que peu a été fait dans ce sens pour pérenniser notre mémoire collective, que cela soit au plan officiel - l´écriture de l´Histoire a été au long des années plus un slogan, qu´une volonté affirmée de restituer au peuple algérien les grands moments de son historicité - ou particuliers - les historiens qui ont travaillé sur cette période névralgique de notre vécu historique, singulièrement les faits de la guerre de Libération vue du côté algérien, se comptent sur les doigts d´une seule main. Il est vrai que les historiens indépendants ont été handicapés par l´absence d´archives. Ce manque est dû, souvent, à l´impossibilité d´accéder aux documents qui ont fait l´histoire de l´Algérie durant le XXe siècle et plus particulièrement ceux ayant trait à la période charnière de la guerre de Libération proprement dite, comme reste difficile l´accès aux archives du Mouvement national qui prépara l´insurrection armée. Tout cela a, au long des années, constitué, outre un obstacle infranchissable pour les historiens, un déficit pénalisant pour les Algériens quant à la connaissance d´une histoire contemporaine qui, au final reste, toujours à écrire. La non-disponibilité des archives de la Révolution, détenues en partie, par l´Etat algérien, et majoritairement par l´ancienne puissance coloniale, la France, est grandement responsable de la vacuité et de la méconnaissance de cette partie cruciale de notre histoire récente. Ce vide de notre parcours historique n´a jamais été comblé, induisant un manque de repères pour une génération postindépendance qui s´est retrouvée en déficit identitaire flagrant. Beaucoup de psychologues expliquent d´ailleurs les événements dont l´Algérie a été le théâtre ces deux dernières décennies, pour une grande part, par cette absence de repères identitaires, qui n´a pas permis à la jeunesse algérienne de se situer dans son environnement régional et continental. De fait, cette absence de jalons identitaires est même vécue comme une mutilation par la jeune génération qui s´est retrouvée coupée de ses racines. L´écriture de l´Histoire est importante en ce sens qu´elle édifie les balises par lesquelles un peuple se reconnaît en tant que nation. Au moment où l´Algérie célèbre le 47e anniversaire de son Indépendance, combien de livres, de documents ont été édités pour mieux faire connaître à la génération postindépendance, les héros d´une Révolution exemplaire - unique dans les annales du monde moderne - qui a bouleversé la donne coloniale et induit la lutte des peuples asservis pour leur libération? Aussi, pour faire connaître notre passé récent, il est du devoir des autorités d´ouvrir, à tout le moins, aux historiens, les archives de notre guerre de Libération, à défaut pour ces derniers d´accéder aux archives de l´Algérie détenues par la France. C´est le moins qui puisse être accompli pour rétablir, près d´un demi-siècle après l´Indépendance, les faits et sortir d´une «écriture officielle» de l´Histoire qui a phagocyté des pans entiers du vécu de la Révolution, demeurés dans l´ombre et méconnus de la majorité du peuple algérien.