Les temps sont durs et pas seulement pour les journalistes qui risquent gros chaque fois que la PAO se trompe dans l´interprétation d´un mot écrit à la hâte (il faut boucler) et d´une main tremblante, surtout depuis qu´Ouyahia a solennellement averti les «terroristes de la plume» qu´ils auront à «répondre de chaque virgule». Alors, la ponctuation, bonsoir! Hier encore, avant de sortir de chez lui, il embrassait tendrement femme et enfants en émettant le voeu, que dis-je, en priant que le soir il les reverrait en bonne santé et que surtout, eux, le reverraient et l´accueilleraient toujours vivant, bien planté sur ses jambes mêmes flageolantes. C´était pendant l´époque où le journaliste refaisait tous les jours son testament au gré de son humeur et de ses appréhensions, car il redoutait de recevoir au détour, deux bastos dans le buffet. Les temps ont changé, on ne tue plus, on condamne! C´est une manière aussi de tuer à petit feu, de faire durer le plaisir. Les temps sont durs, et chacun a ses petits soucis, le père de famille celui de faire bouillir la marmite et celui de sa conjointe de l´apprêter de la façon la plus agréable qui soit. Quant aux rejetons, ils font ce qu´ils peuvent. D´abord, ils essaient de rester absents le plus longtemps de la maison car comme le disait l´épicier du coin, «il n´y a rien de plus gênant que la présence de ceux qui n´ont rien à faire». Ils ont bien essayé de faire quelque chose. Impossible! La concurrence est sauvage. D´abord, pour vendre des cigarettes, qui est le B.A.ba du dur métier du commerce, pas moyen de se placer: tous les carrefours, les devantures de café, toutes les places stratégiques sont prises par ceux qui ont eu l´idée bien avant tous les autres et qui bénéficient d´un réseau de fournisseurs qui ont pignon sur rue, des solides connaissances à la Snta et même ailleurs. Ils ont bien essayé de vendre des objets de pacotille que les importateurs anonymes déversent généreusement et tous ces produits sont fabriqués en Asie et transitent par Dubaï, le centre de gravité du triangle sacré des trabendistes, mais là aussi, il faut se lever de bonne heure, de très bonne heure car il faut réserver sa place, ou la disputer à deux ou trois énergumènes qui sont prêts à fournir des témoins, que rien n´oblige, pour dire qu´ils occupent cette place depuis la création de ce marché illicite, que les policiers essaient de temps en temps de vider en empêchant les jeunes chômeurs de jeter sur le trottoir leur misérable pacotille, épingles, brosses, peignes, slips, chaussettes, soutiens... De quoi habiller la capitale pendant une génération! Finalement un jour, les policiers se sont fatigués, ils ne viennent plus faire la chasse aux commerçants non immatriculés. Alors les bagarres ont repris de plus belle sur les trottoirs de la cité poussiéreuse où les vendeurs sont plus nombreux que les acheteurs et les pickpockets plus nombreux que les voleurs! Les temps sont vraiment durs, très durs...