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Valeurs démocratiques ou malédiction
Publié dans L'Expression le 14 - 09 - 2005

La légitimité populaire accompagne l´élection d´un président quand entrent en conjonction deux faits majeurs, à savoir un fort taux de participation et la reconnaissance de sa propre défaite par le candidat «malheureux» qui s´empresse de féliciter le vainqueur.
Moubarak ne se retrouve ni dans le premier cas ni dans le second.
Il a succédé à Saddat, assassiné, lequel a succédé à Nasser, décédé, lequel lui-même avait participé au renversement de la monarchie. Serait-ce une fatalité que les présidents égyptiens sortent du pouvoir «les pieds devant»? En Irak, Talabani succède à un président destitué par les Américains, puis incarcéré et bientôt jugé. Il y en a qui voudraient d´abord pendre Saddam avant de le juger, alors qu´il y en a qui voudraient le juger avant de le pendre. Ce sera en tout cas un vainqueur malgré lui qui jugera le vaincu qu´il n´a pas lui-même vaincu.
C´est quand même l´Histoire qui a reçu un coup de pouce pour le juger. En Libye, c´est un président à vie, devenu guide suprême, qui a fait d´un coup d´Etat la «révolution de septembre».
En Syrie, c´est une République héréditaire qui a donné son président au peuple. Dans ces quatre pays, à l´origine, il y avait des rois qu´on a renversés. En Tunisie, on a parlé d´un coup d´Etat médical contre un président, «un grand président pour un petit pays» qui était nommé à vie. A part cela, les discours officiels invoquent la démocratie et le système d´alternance: là où il y a des rois, ce sont des monarchies absolues et non des monarchies constitutionnelles comme en Suède, en Belgique, en Espagne, au Royaume-Uni... Tout se passe comme si les peuples arabes avaient besoin d´un père, d´un guide, et non d´un président temporaire à élire et à faire partir. Le parricide est interdit. On ne chasse pas son père. Si auparavant, le monde arabe se considérait en guerre contre Israël pour reculer l´échéance de la démocratisation, maintenant, il y a un autre combat sacré qui justifie la restriction des libertés publiques, à savoir l´influence islamiste à endiguer et la menace terroriste à combattre. Ce n´est donc jamais le temps.
Pour les régimes arabes, trois contraintes vont désormais marquer de leur empreinte leur attitude par rapport au plan américain de démocratisation de la région.
Comment concilier l´endiguement de l´influence islamiste, l´impérieuse nécessité d´initier la démocratisation avec l´exigence de leur maintien au pouvoir?
La victoire des islamistes chiites en Irak dans un contexte de chaos, leur apparaît plutôt inquiétante, comme est inquiétante la montée en puissance de la violence qui s´est propagée vers l´Arabie Saoudite et dernièrement vers l´Egypte tout en sachant cependant, que la démocratisation finira par s´imposer. Sans la survenance du 11 septembre, et plus particulièrement la guerre contre l´Irak, les régimes arabes auraient continué à vivre dans la quiétude et leur stabilité, imposant celle-ci par les moyens de la répression dans un contexte de maîtrise des variables de sécurité. Mais, depuis, le terrorisme a fait une entrée remarquable dans la région, se propageant vers le Maroc également. L´absence de démocratisation sur le modèle occidental est en réalité favorable aux régimes arabes car elle permet de ne pas distinguer entre ce qui relève de l´opposition et ce qui relève du terrorisme.
Dans la situation d´une vie politique réellement démocratique, tous ceux qui pratiquent la violence sont obligatoirement qualifiés de terroristes car à la voie pacifique des élections, ils auraient substitué celle de la violence.
Alors, ils sont contraints de ne pas refuser d´engager leur pays sur la voie de la démocratisation, mais ils le feront à doses homéopathiques, pour ne pas transformer des atouts démocratiques en malédiction.


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