Pierre Messmer qui fut jadis ministre de la Défense du général De Gaulle avant d´en devenir le Premier ministre, c´est-à-dire le collaborateur le plus proche et le plus fidèle du chef de l´Etat français, raconte dans une interview, qu´au plus fort de la guerre d´Algérie, le président Bourguiba, lors d´une homérique rencontre avec l´auteur de l´Appel du 18 juin 1940, a demandé purement et simplement le rattachement d´une partie de l´est algérien à la Tunisie qui va du Tassili à Edjelé. Le général fut interloqué par cette demande intempestive: «Voilà un coin du désert dont personne ne s´était inquiété jusqu´à présent, et qui devient l´objet de toutes les convoitises depuis qu´il y a une odeur de pétrole dans l´air...» Evidemment, le général répondit négativement et fermement au combattant suprême. Depuis l´indépendance, l´affaire du Sahara revient épisodiquement à la une des journaux: d´abord, ce fut notre ami le roi Hassan II qui, rêvant d´un grand Maroc, voulut annexer par la force des armes, la région de Tindouf. Mal lui en prit. Il se retira plus vite qu´il n´entra et ravala ses prétentions, préférant les garder comme monnaie d´échange contre un autre Sahara, occidental celui-là. Il faut dire aussi à charge contre le régime colonial, que celui-ci voulut, le premier, couper le Sahara du nord de l´Algérie. Toutes les tentatives de Paris pour faire céder l´Aménokal furent vaines. Et la guerre dura deux ans de plus... A l´époque paraissait un ouvrage intéressant: «La revanche des terres perdues», ouvrage qui inventoriait les richesses que recelaient les terres désolées, terres où s´étaient réfugiées les populations les plus faibles, où survivre est un combat quotidien. Ces populations n´avaient ni la technologie ni la prescience des trésors que recelaient les entrailles de ce sol où le vent passe sur le sable et la rocaille... Les pays industrialisés ont vite fait d´accaparer ces vastes étendues peu habitées, mais riches en pétrole, gaz, diamants, manganèse, tungstène, cobalt... L´ère atomique vient d´y ajouter des découvertes d´uranium non négligeables. De quoi donner de l´appétit à tous ceux qui veulent manger dans cinquante ans, quand le pétrole ne sera qu´un souvenir. C´est pour cela que le Sahara demeure le centre d´intérêt de tous et la zone des turbulences à venir. Le récent redéploiement des groupes terroristes et les incidents qui ont marqué l´actualité internationale ces dernières années et attiré l´attention du plus grand gendarme du monde, la situation au Darfour, les récents développements de la crise que vit le Tchad, l´entêtement du régime marocain, sont les symptômes des convoitises des différents groupes d´intérêts qui se partagent le monde. La dernière sortie du guide éclairé de la Révolution libyenne n´aurait pas manqué de piquant si elle ne s´inscrivait pas dans cette mouvance. Quoi de plus naturel que de fédérer les pauvres tribus qui vivent sur un sol riche! Il faut dire que Kadhafi n´est pas à son premier rêve de fédération: il voulait s´unir à l´Egypte, se marier avec la Tunisie, se fiancer avec l´Algérie, flirter avec le Maroc tout en draguant les Etats du Sahel, entretenant ici et là des relations pas très catholiques avec des mouvements dits de libération. Ne serait-il pas plus simple pour le grand timonier d´oeuvrer à des projets plus économiques à la hauteur de son imagination et de ses ambitions: créer une mer intérieure pour donner un peu de fraîcheur à ses propos, faire tourner des éoliennes dans le Grand Sud puisqu´il est le plus grand brasseur de vent.