Demain, 8 février, la Tunisie et l´Algérie commémorent un pan d´histoire au cours duquel ils ont payé ensemble le lourd tribut du sang. C´était il y a 52 ans. Le 8 février 1958 et alors que la guerre de Libération algérienne en était à sa quatrième année, l´aviation française décide de bombarder la Tunisie indépendante depuis 2 années. Ce jour-là, à Sakiet Sidi Youssef, ville située au nord-ouest de la Tunisie, les habitants de toute la région sont regroupés au marché comme chaque samedi qui est jour de souk. Soudain, peu avant 11h du matin, le ciel s´assombrit par une escadre d´avions volant à basse altitude. Personne ne pouvait réaliser que ces avions allaient «cracher» leurs feux à l´aveugle sur des civils qui faisaient paisiblement leurs emplettes. Bilan: 68 morts dont 12 enfants à l´intérieur d´une école entièrement détruite. Le bombardement était tellement sauvage qu´il n´épargna pas des camions de la Croix-Rouge en mission humanitaire dans la région. Pourquoi et comment une telle agression a-t-elle pu être commise? Les militaires français, auteurs de ce bombardement, reprochaient aux Tunisiens leur solidarité avec leurs frères algériens qui combattaient (en utilisant Sakiet comme base arrière) pour l´Indépendance de leur pays. On dit bien les militaires et non l´Etat français, car ce sont deux généraux français, Edmond Jouhaud, ce pied-noir né à Oran et que l´on retrouvera, en 1961, parmi les auteurs du coup d´Etat manqué contre le général de Gaulle, et Paul Ely qui approuva leur complot, qui sont derrière cette lâche agression. Le ministre de la Défense de l´époque, Jacques Chaban-Delmas, ignorait tout de ce que ces deux généraux tramaient. Plus tard, des voix diront qu´il aurait donné son accord...verbalement. Belle image du fonctionnement de l´Etat français. Mieux, le président du Conseil (à l´époque Félix Gaillard) lui-même n´avait pas été informé. Celui-ci tenta, malgré tout, de couvrir l´opération par la suite. Peine perdue, car il fut, quand même, renversé 2 mois plus tard. Ce tragique épisode fait partie des nombreuses zones d´ombre de la colonisation. Certes, le tribut fut lourd en vies humaines, mais ces deux généraux auront réussi, involontairement bien entendu, à renforcer davantage les liens de fraternité qui lient les peuples tunisien et algérien. Des liens de fraternité jamais démentis durant la très longue histoire du Maghreb. Il faut savoir qu´avant même cette attaque, le défunt Président Habib Bourguiba refusa de recevoir le général français Buchalet venu lui apporter un message officiel d´avoir à ne pas aider les Algériens. Un autre émissaire fut dépêché. En vain. A Sakiet Sidi Youssef ce 8 février 1958, les victimes étaient tunisiennes et algériennes. Quoi de plus normal quand on sait que la ville algérienne de Souk Ahras est toute proche. Quand on sait aussi que la Tunisie abritait nombre de réfugiés algériens qui ont fui la sauvagerie des militaires français durant la guerre d´Algérie. Quand on sait que c´est en Tunisie que siégeait le Gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra). Le tout avec grand courage et sacrifices consentis par les Tunisiens. Attitudes que doivent avoir tous frères entre eux. C´est cette fraternité baignée du sang des martyrs que nous commémorerons demain.