C´est ainsi que l´appelait tonton Georges quand il parlait de la presse à scandales, celle qui s´insinue sans pudeur dans la vie privée des gens célèbres et étale au grand jour les secrets d´alcôve ou les petits secrets. Même avant la parution de la presse, cette gazette qui relatait des faits vieux de quelques semaines, les murs de Paris s´ornaient d´affiches dénonçant les abus de la cour. François 1er fut le premier roi de France à souffrir de cette presse clandestine qui défiait l´autorité royale et portait à la connaissance des sujets (qui savaient lire) les exactions d´un régime absolutiste. L´affaire fit grand bruit et les intellectuels s´enhardirent au point de faire circuler, sous le manteau, des écrits en prose ou en vers pour mettre à mal une réputation bien assise. Certains écrivains furent même embastillés car soupçonnés d´être les auteurs de pamphlets rédigés dans le meilleur style de l´époque...Quand la première gazette parut, le pouvoir politique comprit rapidement l´importance de la chose et traça sévèrement les limites à ne pas franchir...La Révolution française libéra totalement la presse et l´on assista (comme en 1990 en Algérie) à la naissance de plusieurs titres, qui, malgré leur existence éphémère, (ils durèrent ce que dure une révolution, l´espace d´un matin) marquèrent leur époque par des polémiques acharnées, reflets de l´activité politique intense du moment...L´Empire puis la Restauration ramenèrent la presse à la période d´avant 1789, la monarchie de juillet 1830 donna quelques libertés à la presse qui s´enhardit jusqu´au Second empire. Les périodes de dictature, les années de guerre amenaient toujours le pouvoir politique à contrôler plus rigoureusement, à bâillonner la presse. L´installation des régimes parlementaires installa définitivement la liberté de la presse, du moins, jusqu´à la prochaine guerre où, sous prétexte d´état de guerre, ou d´état d´urgence, le bâillon se remettait en place... Non seulement la presse informe, mais aussi souvent, elle déforme, gonfle, grossit de menus détails pour attirer les lecteurs. Son importance s´agrandit avec son pouvoir de former l´opinion publique. Les partis politiques s´en emparent avant de la céder à la grosse finance qui va se servir de médias comme on se sert d´une arme. Les scandales politiques pleuvent! Un ministre indélicat est acculé au suicide par une campagne de presse. Un directeur de journal est assassiné dans son bureau par l´épouse d´un ministre mis en cause...La presse d´investigation se spécialise. La presse du coeur ou comme on l´appelle maintenant en franglais «la presse people» s´occupe des faits divers et mène souvent des campagnes d´une violence inouïe qui font pencher le fléau de la balance de la justice d´un côté ou d´un autre. Les magnats de la presse font et défont des carrières politiques. Le journal est courtisé! Mieux, on l´achète. On achète même le journaliste de diverses façons : promotion politique, biens matériels, on emploie même la publicité comme moyen d´influer sur le discours journalistique. Des capitaines d´industrie s´emparent des titres, financent d´autres par une publicité tapageuse ou mensongère sur leurs productions, inspirent des enquêtes bidon, font faire des sondages fantaisistes dans des magasines spécialisés. Mais le lecteur averti ne peut s´y tromper, l´annonceur (c´est-à-dire, le payeur), est le véritable patron de l´organe de presse. C´est pourquoi, dans certains régimes politiques autoritaires, la publicité est sévèrement réglementée et contrôlée par l´Etat. Un quasi-monopole peut s´installer, gare au journal qui ose dévier de la ligne politique: la publicité des administrations lui passeront sous le nez et, pire, si jamais il s´entête dans sa volonté d´indépendance, ce sont d´autres mesures plus coercitives (mais légales) qui lui seront appliquées: l´accès à la rotative ne lui sera permise que s´il montre patte blanche ou s´il paie rubis sur l´ongle...La gamme des sanctions est étendue et toute la fertile imagination humaine est mise à contribution pour faire fleurir les obstacles sur un parcours déjà semé d´embûches.