La première difficulté que rencontre un modeste chroniqueur au talent et à la culture limitée dans une actualité riche d´une diversité embarrassante, est le choix du sujet qui doit nécessairement attirer l´attention du lecteur sur le problème posé: doit-il, à l´exemple des médias étrangers disserter sur les expériences nucléaires de la Corée du Nord et sur le ballet diplomatique incessant qu´elles ont suscité et les récriminations de George Bush qui ne voudrait voir que ses alliés posséder l´arme dissuasive suprême; ou bien continuer à se lamenter sur le prix de la pomme de terre qui ne veut point suivre le pétrole dans sa course descendante et rappeler par là l´absence de l´Etat et des différentes institutions chargées de veiller sur le pouvoir d´achat des plus démunis, sur les silences éloquents du ministre de la «Solidarité sociale» ou d´un quelconque représentant syndical. Tous sont frappés d´un mutisme tragique. Le chroniqueur peut évoquer les derniers succès réalisés par les chercheurs iraniens dans le domaine balistique et qui couronnent leurs efforts dans l´enrichissement de l´uranium: encore des symptômes qui vont gravement compliquer une situation fort complexe au Moyen-Orient. Doit-il (le chroniqueur) parler de l´enlisement américain dans le bourbier irakien à la veille des élections législatives aux USA? Doit-il traiter des répercussions de la chute des prix du pétrole sur la future loi des finances 2007 et sur la révision constitutionnelle renvoyée aux calendes grecques? A moins de s´intéresser au problème qui touche le plus la profession journalistique, à savoir le problème de la liberté d´expression dans le domaine de l´information! Le sujet le plus approprié serait le Sila qui se tient actuellement à la foire. Le sujet aurait été plus riche de points, il aurait pu gloser a l´aise sur le prix du livre et son incidence sur le pouvoir de lecture des Algériens, mais il a préféré tourner son regard vers le récent procès qui vient de frapper ses voisins et collègues: les journalistes d´Ech-Chourouk el Yaoumi. Outre le choix du sujet, il s´agira de trouver un titre conforme à l´ésprit de la chronique: doit-il l´intituler Le Soleil se couche aussi en référence à l´ouvrage d´Ernest Hemingway ou bien tout simplement Les Plaideurs pour rappeler les immortels personnages de cette illustre comédie écrite par le non moins illustre tragédien, Jean Racine. Mais le hasard a voulu qu´un membre de ma famille ait jeté sur ma table un livre d´une grande érudition: Samarcande de Amin Maâlouf, ce grand écrivain qui a ouvert aux Occidentaux un Orient difficilement déchiffrable à cause du travail négatif de certains Orientalistes. Dans cet ouvrage à plusieurs facettes (à 550DA s´il vous plait!), l´auteur fait dire à ces réformistes révolutionnaires qui était Jamel Eddine el Afghani: «Sur les terres d´islam il n´est pas un seul coin ou je puisse vivre à l´abri de la tyrannie. En Perse j´ai voulu me réfugier dans un sanctuaire qui bénéficie traditionnellement d´une pleine immunité, les soldats du monarque qui sont entrés, ils m´ont arraché aux centaines de visiteurs qui m´écoutaient, et, à une malheureuse exception près, personne n´a bougé ni osé protester. Pas un lieu de culte, pas une université, pas une cabane où l´on puisse se protéger de l´arbitraire!...Je vous le dis, nous les musulmans de ce siècle, nous sommes des orphelins!» Cette tirade exprimée par un personnage du XIXe siècle semble être d´une brulante actualité. Il y a quelque années, un journaliste français ayant commis un brulot a l´encontre d´un dictateur africain, a vu son livre interdit et saisi; cela a soulevé une longue polémique dans les milieux intellectuels et de la presse parisienne. D´habitude ce sont les éditeurs qui sont discrètement sollicités pour ne pas publier des ouvrages gênants pour la diplomatie d´un pays. Cela dit, on peut longtemps s´étendre sur les quolibets lancés par la presse occidentale à l´encontre du fantasque dictateur libyen sans que cela ait fait un rond dans l´eau. Après ce malheureux procès dont a été victime notre voisin et collègue Ech Chourouk, il faudra s´attendre à ce que tous les tyranneaux et les roitelets du tiers-monde fassent de même. Il faut frapper à la caisse! Il suffit de repenser à la pièce, Les Plaideurs, pour rappeler que le harcèlement judiciaire est un moyen de noyer le poisson et que l´un des personnages principaux s´appelle Chicaneau: du verbe chicaner.