D´habitude, on célébrait les anniversaires touchant à l´histoire de la nation lors des années finissant par 0 ou 5. Ces derniers temps, nous eûmes à nous remémorer quelques cinquantièmes anniversaires. Et ce n´est pas fini: cette année, nous risquons de célébrer quelques-uns encore et, parmi eux, de très douloureux. Mais j´ai été surpris de lire, d´entendre l´écho des expériences nucléaires que la France, ex-puissance coloniale, avait entreprises dans ce lointain et proche Sahara qu´elle avait voulu soustraire, à tout prix, à la souveraineté algérienne par des manoeuvres désespérées. Mais ceci est une autre histoire. Ce rappel de l´aventure atomique française en Algérie m´évoque quelques touchants souvenirs: en 1997, alors que j´officiais au service de réhabilitation du support film de l´Unique, au CAN de Birkhadem, je reçus l´appel pathétique de René Vautier que j´ai eu le plaisir et l´honneur de connaître dans les années 80, alors qu´il mettait sur pellicule ses souvenirs de militant communiste au service de l´audiovisuel algérien. René Vautier fut le véritable créateur des archives filmées de l´Algérie grâce à son Algérie en flammes et surtout grâce au génie et à la perspicacité de celui qui lui fit appel: Abane Ramdane. Après les salamalecs d´usage, Vautier me demanda simplement le titre du film que les forces armées françaises avaient tourné à Reggane pendant les préparatifs et lors de l´explosion de la première bombe atomique française. Vautier s´excusa d´avoir oublié le titre («C´est l´âge!» m´avait-il dit). Et pourtant, il était encore vert! Je lui fis part de ma profonde désolation de l´état des archives filmées de l´Unique, archives naufragées par trois décennies d´incurie. Cependant, j´avais encore en tête le titre de ce film de propagande qui voulait porter haut les progrès technologiques de la recherche scientifique française et qui présentait l´expérience (couloirs souterrains, mannequins suspendus à l´air libre, animaux et véhicules exposés aux radiations) comme tout à fait sûre et inoffensive. Je répondais à Vautier que le titre était Reggane à l´heure H et que la seule copie disponible avait été pillée par un réalisateur indélicat qui eut tout de même la présence d´esprit d´en faire tirer un contretype en négatif. Je m´enquis auprès de Vautier de ses projets: il tournait un film pour les Suisses, sur l´expérience de Reggane et qu´il comptait s´y rendre pour faire un reportage sur les séquelles des expériences nucléaires dans le périmètre de Reggane. Je lui conseillai toutefois d´y aller par avion car, à l´époque, les grands chemins n´étaient pas sûrs. Je lui rappelai aussi qu´un Allemand de l´Est avait recueilli sur pellicule le témoignage d´un légionnaire allemand qui avait déserté, sur la présence de cobayes humains (des prisonniers algériens) sur les lieux de l´explosion. Feu Azzedine Meddour avait aussi utilisé des passages de ce film allemand et du documentaire de la Sicpa (ou de Pathé?) pour son film Combien je vous aime! Episode qui déclencha une brève polémique entre les deux rives de la Méditerranée. Depuis, je n´ai plus revu René Vautier ni vu le film qu´il a tourné pour les Suisses. Un jour, peut-être...