La philologie nous dit que le mot démocratie est composé de deux syllabes. La première - dêmos - signifiant peuple et la seconde - kratos - pouvoir du peuple. Donc de la majorité! Alors vive la démocratie. Née dans une Grèce où l'on pouvait «rencontrer» les dieux à tous les coins de rue, elle n'en représentait pas moins l'antithèse d'une situation où le précitoyen ne savait pas à quel saint se vouer. Sauf à s'aliéner à un dieu où à un ensemble de divinités comme aujourd'hui on s'enchaîne de plein gré, ou malgré soi, à une ou à un ensemble de chaînes de télévision pour se sentir en phase avec la démocratie pratiquée chez les autres. Généralement, les Occidentaux. D'ailleurs, l'Algérien a toujours cru en la démocratie même lorsque, durant la période coloniale, où elle ne lui était distillée que par doses homéopathiques et seulement par ricochet. La culture universelle aidant, il n'a pas hésité un seul instant en 1962 à manifester sa volonté d'accéder à cette fameuse démocratie. En vain. Car le FLN, en qui l'Algérien avait placé toute sa confiance, a dû affronter le premier choc de son existence en se laissant reconvertir en thébaïde idéologique que le pouvoir, né à la faveur de la fin de la crise de l'été 1962, va devoir instrumentaliser à son gré jusqu'au 19 juin 1965. Et plus tard jusqu'à la chute de Chadli Bendjedid. Quarante ans après le déclenchement de Novembre 1954, on en était plus que jamais à attendre qu'un événement inhabituel se produise et provoque l'avènement de cette fameuse démocratie dans laquelle les citoyens, qui avaient subi jusque-là toutes les formes d'autoritarisme, se reconnaissaient déjà sans l'avoir jamais essayée. Et voilà octobre 1988 qui, du jour au lendemain, passe comme un ouragan à travers la capitale et force le monolithique pouvoir en place à abandonner ses vieux oripeaux pour ou bien partir et laisser la place aux démocrates ou s'il devait rester, à lâcher du lest tout en créant les conditions indispensables à la mise en oeuvre d'une véritable démocratie en Algérie. Résultat, cela fait plus de 10 ans qu'on tourne en rond alors que durant cette même période, des milliers d'Algériens ont connu la mort sous les balles et la torture des islamistes. Dans le cadre du pluralisme érigé au forceps qui a suivi les «événements d'octobre 88», on a vu éclore un certain nombre de partis dits démocratiques, mais dont souvent l'idéologie ou le modèle d'inspiration était ou bien sur le point de payer les erreurs accumulées de l'Union soviétique à laquelle ils avaient prêté allégeance, des partis démocratiques sans ancrage avec l'idéologie marxiste, ou enfin des partis religieux «modérés» dont le but inavoué ne se distingue nullement de l'ex-FIS dont les objectifs étaient plutôt proches de Pol Pot que de la démocratie telle qu'elle est pratiquée dans les pays occidentaux. Entre les deux catégories il y a, à ne pas oublier, les partis qui, non sans patience, attendent que le mini- stère de l'Intérieur leur accorde l'agrément. Comme on le voit, la place politique algérienne est riche de partis se réclamant de la filière démocratique. Mais dans le lot, une seule formation peut aujourd'hui se targuer d'être pleinement engagée dans ce processus dont les premiers effets sont d'ordre interne: c'est le FLN. Le FLN, qui a, certes, connu des hauts et des bas ces dernières années, mais qui, au dernier hit-parade des formations performantes, se situe en tête à tous les niveaux des institutions détentrices de légitimité politique. A l'APN comme dans les APW ainsi que dans les communes où il est fortement majoritaire. Il est majoritaire non pas pour soi, mais pour tenter, comme il en avait pris l'initiative au mois de Novembre 1954, d'entraîner l'Algérie non pas vers la «démocratie responsable» qui dut faire vite long feu, mais vers la démocratie telle qu'elle est pratiquée par les pays qui ont vu, grâce à elle et à la pratique intelligente qui en a été faite, s'édifier chez eux l'Etat de droit. Un Etat de droit dont on parle souvent en Algérie, mais dont la concrétisation se fait malheureusement de plus en plus lointaine. Un peu comme l'horizon qui recule à chaque fois qu'on essaie de s'en rapprocher...