Le mot démocratie nous étonnera toujours tant sa texture est courte et sa résonance planétaire. Il se compose de deux parties dont l'addition donne la forme et le son de son prononcé. Mais ce qui lui est éternellement redevable, c'est la dynamique qu'il a insufflée aux humains depuis au moins 3.000 ans en leur ouvrant le chemin de la civilisation. Mission difficile pour un terme que ne composent que deux syllabes ; mais quelle force de persuasion ! Grâce au sens que lui a conféré l'homme à l'origine, avec le mot République, encore une invention hellène, la démocratie, puisqu'il s'agit d'elle, n'a pas, faut-il le rappeler, suscité que de la sympathie tout au long de l'histoire humaine. A cause de la démocratie, des pays aux régimes différents se sont affrontés jusqu'à ce que la raison leur impose de vivre en bon voisin. De cette résolution est née l'Europe qui, en matière d'affrontements répétés, sait de quoi elle parle. Prenons le cas de la chute du «camp socialiste» en 1989 après l'écroulement du mur de Berlin. L'obstacle qui s'opposa à la perpétuation du goulag dans le pays de Pouchkine et qui, par bonheur, contribua efficacement à son effacement de la carte du monde, c'est encore une fois la démocratie ou plutôt son absence dans un régime où l'horreur l'a disputé pendant plus de 70 ans à l'inquisition. Après toutes ces expériences, quel choix reste-t-il à l'Algérie pour sortir des demi-mesures et des tâtonnements multiples dont elle a nourri son peuple pendant 40 années d'expérimentation sans fin pour des résultats que le 5 octobre 1988 a vite fait de faire voler en éclats. Il y a eu, comme chacun sait, la période de Ahmed Ben Bella et ses incohérences quotidiennes. Celle de Houari Boumediene et son autoritarisme bonapartisme. De ce régime vite oublié par l'opinion publique, il n'est resté qu'un slogan qu'on évoque parfois pour se gausser: «La démocratie responsable!» De triste mémoire! Avec Chadli Bendjedid, point de salut non plus pour la démocratie. Qu'en est-il aujourd'hui après plus de 11 ans de terrorisme et de vacuité en matière d'inventivité? Les partis politiques, agréés après 1989, ont-ils été à la hauteur de l'ouverture concédée par le pouvoir sous la pression des «forces populaires»? Il faut croire que la décantation pour entreprendre le long chemin qui devrait nous conduire vers la démocratie ne s'est pas encore faite. Et il n'est pas dit qu'elle puisse y parvenir après les prochaines législatives. Pourquoi? Tout simplement parce que, dans la plupart des cas, bien des partis ne savent pas, en fait, ne veulent pas savoir ce que signifie la démocratie. Je veux parler ici du MSP, d'Ennahda et de toute la constellation de partis religieux dont les efforts et la propagande qu'ils distillent ne visent qu'un seul objectif: l'instauration à terme d'un état islamiste. Entre eux et le GIA, la seule différence consiste, en ce qui les concerne à, user et à abuser des multiples libertés qu'offre la démocratie en construction, tandis que pour les adeptes paranoïaques de Hassan Hattab l'Etat islamiste qu'ils cherchent à édifier doit obligatoirement passer par une «purification systématique» que même Pol Pot n'aurait jamais osé mener à son terme lui qui, pourtant, dépasse largement Staline en matière d'exécutions sommaires du point de vue du temps qu'il s'était alloué pour le faire. Parlons maintenant des partis qui n'ont jamais cessé de se prétendre démocratiques depuis, pour les uns, leur retour sur la scène et, pour les autres, ceux qui depuis plus de 10 ans ne cessent de se prélasser dans l'abstentionnisme ou le boycott en se croyant plus utiles pour la démocratie que d'autres. Par quoi commencer? Par l'ANR? Soit! Le moins qu'on puisse dire c'est que Rédha Malek n'a pas cette fois-ci été à la hauteur des enjeux. Pourquoi? Parce que depuis son agrément, ce parti, qu'il préside depuis sa fondation, n'a pas fait de progrès éminents en matière de prosélytisme partisan. Quant au MDS qui n'a pas varié d'un iota dans sa démarche, il souffre beaucoup, à en croire ses détracteurs qui sont pléthoriques, de ce qu'il est resté fidèle à une ligne de conduite que de nombreux pays socialistes ont rejetée pour revenir à la démocratie. Le MDS, on le sait maintenant, ne sait cultiver que le niet pour ne pas voter, craignant en agissant différemment de ne trouver personne pour lui remplir ses urnes. Que reste-t-il chez les «démocrates» qui puisse séduire les foules et les pousser à voter pour la démocratie telle qu'à l'origine les Grecs l'avaient définie? Qu'en est-il du FFS et du RCD qui, piégés par les événements de Kabylie, ne savent plus à quel saint se vouer? Ce sont, eux aussi, des boycotteurs dont l'entêtement servira sans aucun doute les partis religieux comme le MSP et consorts dont j'ai dit plus haut qu'ils ne cherchent qu'à profiter des libertés qu'offrent les règles démocratiques pour s'emparer du pouvoir. Alors à qui profite le boycott sinon au retour plus musclé de l'obscurantisme? A bon entendeur, salut !