La «paix» a été conclue, hier, entre le chef de l'Etat d'un côté, et Ben Bella et Mehri de l'autre. Le président Bouteflika, devant des politiques, des officiels, des moudjahidine, des fellahs et des étudiants, réunis, hier, au Palais des nations, s'est livré à un véritable discours programmatique. Comment pouvait-il en être autrement pour lui, murmurait-on dans la salle, alors qu'il a clairement indiqué que «l'occasion de ce cinquantenaire permet d'établir des liens solides entre les générations de la guerre et de l'indépendance». Bouteflika, qui dit croire plus que personne à la réconciliation globale, a admis, hier, dans son discours que «la concorde civile n'en était que le prélude». Or, pour «zaïm de la réconciliation» qu'il soit, Bouteflika, en réponse aux multiples interpellations de Louisa Hanoune, souligne que sa confortable majorité à la dernière présidentielle ne lui donne pas plus de droits que ce que prévoit la Constitution, même les actions sur le plan politique en sont nettement facilitées. C'est ainsi qu'un second référendum, dont ni la date ni les modalités pratiques n'ont été fixées, a été annoncé par le chef de l'Etat afin que le peuple «décide souverainement quel genre de réconciliation il souhaite instaurer». A ce propos, il reste entendu, aux yeux du président, qu'il ne saurait être question de pardonner à ceux qui ont commis des crimes de sang. Il n'en ajoute pas moins qu'il n'est que temps de «se pardonner les uns les autres». Cet homme, fin diplomate, qui a consacré son premier mandat à replacer l'Algérie sur l'échiquier international, semble également en passe de réussir avec brio sa fameuse réconciliation nationale, globale et sans exclusive. A la fin de son discours, qui aura duré près de deux heures, Bouteflika a, en effet, souligné la présence de personnalités importantes jusque-là absentes de ce genre de manifestations. Cela, avant de quitter la tribune et d'aller embrasser le premier président de l'Algérie indépendante, Ahmed Ben Bella, puis celui qui avait su rendre autonome et fort le FLN pendant quelque temps, Abdelhamid Mehri. Pressées de questions par nous, ces deux personnalités marquantes de l'histoire passée et présente de l'Algérie ont simplement signifié de concert qu'«il n'est que temps de tourner la page, de se réconcilier et de se mettre sérieusement à construire, sinon reconstruire, le pays». Ben Bella a poussé plus loin le raisonnement en mettant en avant «les multiples dangers que fait peser sur nous l'Occident et que l'on ne peut contrer qu'en unissant nos forces». La plupart des présents, ministres, syndicalistes, politiques ont, eux aussi, abondé dans le sens de la réconciliation dite «globale et sans exclusive». Comme un seul homme, tous ceux que nous avons consultés ont indiqué que «ce cinquantenaire intervient dans une conjoncture économique, politique, sécuritaire et diplomatique extrêmement favorable. D'où la nécessité d'étouffer ses rancoeurs pour se tourner résolument vers l'avenir». Bouteflika, pour revenir à son discours, a, lui aussi, mis en exergue la volonté de tous les Algériens de «vivre en paix, en sécurité, dans la dignité, la réconciliation et la justice sociale». Pour ce qui est du référendum, Bouteflika y tient particulièrement en référence à ce qui s'est passé durant la décennie 90. C'est pourquoi, il tient à ce que le peuple dise souverainement son mot, afin que le pays ne soit pas de nouveau plongé dans les drames et le chaos. Il en va tout autrement, cependant, de la réforme du code de la famille. Plus résolu que jamais à contrer ses détracteurs dans le plus proche avenir, le chef de l'Etat a martelé qu'il était «inimaginable que la famille puisse se développer, alors que les lois qui la concernent sont tout autant gelées que rétrogrades». La réconciliation, impliquant forcément qu'il soit fait retour sur les «conflits» passés, fera aborder au président le sujet de la presse. Parlant carrément de «dérapages» pour ce qui s'est passé, il y a de cela quelques mois, Bouteflika émettra le souhait que les médias mettent désormais «en avant l'intérêt suprême de la nation». Un vibrant salut, en outre, est lancé à l'Armée, grâce à laquelle la République a été sauvée. «A présent, souligne Bouteflika, cette institution assume ses missions constitutionnelles de défense de l'intégrité territoriale algérienne.» Pour ce faire, est-il encore expliqué, «un processus de professionnalisation et de modernisation de ses armes et de ses différents modes de fonctionnement et de transmission a été entrepris». C'est à cette logique, du reste, que répondent les multiples changements opérés à la tête de la plupart de ses services et commandements les plus importants, à commencer par le haut commandement de l'état-major national. Les étudiants invités en nombre à cette cérémonie, ont eu leur lot de morale. Face au taux important de réussite au bac, avec une prédominance des filières sciences exactes et humaines, Bouteflika a souligné que l'Etat n'avait aucun pouvoir d'empêcher telle ou telle personne de choisir sa formation pour peu qu'elle en assume les conséquences dans le cas où elle ne trouve pas de débouchés. Dans le même temps, il a souligné que «tous les moyens seront mis en branle afin de ramener les cerveaux algériens partis sous d'autres cieux, où la vie et les conditions de travail sont autrement plus faciles». Sur le plan programmatique toujours, Bouteflika s'est déclaré fier de ne pas être de ceux qui souhaitent transformer en pain les revenus pétroliers. Il a, dans le même temps, réitéré sa ferme volonté de continuer la guerre, sans possible réconciliation, à la corruption et à la bureaucratie, lesquelles continuent de miner aussi bien le développement que les éventuels projets d'investissements nationaux et étrangers. Réconciliation aux yeux de Bouteflika, n'étant pas qu'un vain mot, étaient également présents au Palais des nations d'anciens pro-Benflis, à commencer par Abdelkrim Abada et Salah Goudjil. Toutes ces considérations, comme de juste, ne devraient pas faire perdre de vue le but même de cette rencontre. S'agissant du cinquantenaire, en effet, Bouteflika a mis en exergue les fantastiques épopées et bravoure des révoltes algériennes depuis l'Emir Abdelkader jusqu'au soulèvement du 1er Novembre. Contrairement à nos voisins tunisiens et marocains qui vivaient sous protectorat et qui s'en sont sortis sans guerre, l'Algérie faisait face à une véritable colonisation faite de terribles crimes et d'extermination systématique des espaces verts et des cheptels. C'est pour cette raison que notre pays est devenu un exemple planétaire pour tous et qu'Alger est devenu le chantre de toutes les nobles et justes causes de par le monde. Sur ce sujet, Bouteflika rappellera le rôle joué par notre pays dans le règlement pacifique de nombreux conflits de par le monde. Cela, avant d'enchaîner sur le droit inaliénable du peuple sahraoui de décider souverainement de son sort. Très sûr de lui, notamment depuis que le conseil de sécurité a abondé dans le sens défendu par notre pays, conformément au droit international, Bouteflika a martelé que «le peuple sahraoui frère, opprimé et déshérité depuis de trop nombreuses années, décidera très certainement, souverainement et démocratiquement, de son sort». Bouteflika, qui a programmé plusieurs activités dans le cadre de la commémoration des festivités de ce cinquantenaire, a également décerné des distinctions à de nombreux moudjahidine et moudjahidate invités hier au Palais des nations.