C´est fou comment le ministère de la Santé se distingue par la publication de chiffres statistiques qui lui sont propres et qui ne correspondent pas du tout à ceux des spécialistes. Deux cas précis ont pu être relevés durant le semaine qui vient de s´écouler. D´abord les chiffres d´importation du médicament. Le Cnis (Centre national de l´informatique et des statistiques des Douanes algériennes) parle de 614 millions de dollars d´importation de médicaments durant le premier semestre 2007. Le ministère de la Santé «réplique» qu´il s´agit là de l´importation des médicaments pour les humains et les animaux qui se partagent la facture «moitié-moitié». Une contorsion pour vouloir dire que l´enveloppe «humaine» a baissé par rapport à la même période l´an passé. Ce qui est archifaux pour la simple raison que le Cnis a adopté cette année la même formule d´évaluation que celle qu´il avait l´année dernière. La même formule qui donne aujourd´hui 614 millions de dollars, avait donné l´an dernier à la même période 500 millions de dollars. A l´époque, le ministère n´avait pas encore le «génie» qui a découvert la différence à faire entre les médicaments pour les humains et ceux des animaux. Ensuite, les intoxications alimentaires dans notre pays. Selon le quotidien El Moudjahid, le ministère de la Santé estime que dans notre pays, il y aurait entre 3000 et 5000 (admirez la précision) cas d´intoxications alimentaires chaque année. Faux, réplique un consultant de la FAO. Selon ce même consultant, les cas seraient 100 fois plus importants que les estimations du ministère de la Santé. Dans tous les cas de figure, les chiffres de 3000 et 5000 cas du ministère sont dérisoires, voire ridicules face à une population algérienne de 30 millions d´êtres. Une disproportion qui permettra de dire que les intoxications alimentaires sont nulles chez nous quand on sait que les Etats-Unis «reconnaissent» chaque année 76 millions de cas. Vous avez bien lu, il s´agit de millions de cas. Une telle information, prise sans discernement, a de quoi verser les Algériens dans l´auto flagellation qui consiste à croire que nous sommes plus vigilants et plus sérieux que les Américains. Et de nous enfoncer davantage dans nos problèmes. L´acte que commet le ministère est grave. Il tend à «endormir» les Algériens et mettre ainsi en péril leur santé. Comment peut-on affirmer n´avoir pas de cas d´intoxications alimentaires quand nous connaissons tous l´état dans lequel se trouve la chaîne du froid dans notre chaud pays. Quand nous savons le rythme de distribution de l´eau potable dans les foyers. Quand on prend en considération les cas d´épidémie entraînant des dermatoses liées à l´hygiène. Quand on sait justement l´ampleur du problème de l´hygiène dans notre pays. Des paramètres visibles à l´oeil nu que seul le ministère de la Santé feint d´ignorer. La méthode que semble avoir choisie le ministère de la Santé, qui consiste à tronquer la vérité, ne va pas dans le sens de l´intérêt général. Au contraire, elle ne peut défendre que les étroits intérêts personnels de responsables soucieux de bien gérer leur carrière. C´est cette manière d´agir qui a engendré le divorce des citoyens d´avec leur Etat. C´est cette manière d´agir qui a favorisé le développement de la rumeur au détriment de l´information officielle. C´est cette manière d´agir qui est à l´origine du retard de développement que nous accusons depuis l´indépendance. Il ne s´agit plus seulement d´intoxications alimentaires mais d´intoxication tout court. Hélas, trois fois hélas! ([email protected])