«La mémoire de la plupart des hommes est un cimetière abandonné où gisent sans honneurs des morts qu´ils ont cessé de chérir.» Marguerite Yourcenar, extrait des Mémoires d´Hadrien Une fois encore, c´est la Télévision publique française qui offre la chance aux réalisateurs et comédiens beurs de s´exprimer. Après France2, c´est au tour de France3 de produire et de diffuser Le choix de Myriam, une série romanesque en deux épisodes sur la vie de la première génération d´immigrés maghrébins en France. Cette minisérie est réalisée par Malik Chibane (le réalisateur de l´Hexagone et Douce France) plonge dans la France des années 60, vivant dans les bidonvilles et les HLM. En pleine guerre d´Algérie, Kader Baccouche, jeune marié, quitte son village de Kabylie pour venir travailler en France dans le bâtiment. Comme la majorité de ses «frères», il vit dans un bidonville de la région parisienne, où il est rejoint par sa femme Myriam. Sur le chantier, Kader est traité comme un esclave. Myriam perd son frère lors de la manifestation pacifique du FLN (17 octobre 1961), sévèrement réprimée par la police de Papon: cette «terre d´accueil» s´avérant peu chaleureuse, le couple rêve de rentrer au «bled». Mais le destin force les choses et la perspective d´un retour s´éloigne car ils obtiennent un logement dans un HLM et se rendent compte que pour leurs enfants, la France représente aussi une chance. Le choix de Myriam, c´est d´abord une histoire d´amour algérienne qui parle aussi d´une époque: la pilule, la minijupe, la télé en couleur...souligne Anne Holmes, directrice de la fiction de France 3. Loin d´être un film «ethnique», Le choix de Myriam se veut un film universel sur le déracinement, avec des personnages auxquels «tout le monde peut s´identifier», rappelle la directrice de fiction de France3. Certaines situations perdent malheureusement de leur crédibilité du fait de cette dimension parfois trop grand public et trop lisse. La force de la série réside également dans sa «brochette» d´acteurs (Mehdi Nebbou, Leïla Bekhti, Abel Jafri, Abdelhafid Metalsi, Nailia Harzoune...), de jeunes «Beurs» qui se sont, pour la plupart, glissés dans la peau de leurs propres parents, et le film a toutefois le mérite d´éviter les clichés, rappelle la productrice. Alors qu´on devrait raconter le quotidien des Beurs issus de la 3e génération des émigrés, les télévisions françaises préférèrent parler de l´ancienne génération. C´est une politique de l´oubli qu´encourage Yamina Benguigui, la réalisatrice d´origine algérienne qui passe son temps à parler de la période où son père l´a ramenée de force avec sa famille en Algérie. Inchallah Dimanche était pour elle une extériorisation d´un problème familial. Les autres stars beurs, à l´image de Debbouze, Naceri, Abdel Jafri, évitent de critiquer la situation parfois difficile des émigrés et la montée de xénophobie en France. Ainsi, aucun film français mettant en vedette des stars beurs de la nouvelle génération sur des sujets sur le parcours controversé de Khaled Kelkal ou Malik Oussekine assassiné par un raciste en 1987, restent à ce jour des sujets tabous, interdits à la télévision et au cinéma français. [email protected]