Bakour est un policier qu´on a voulu mettre en taule à vie et à qui on a reproché d´avoir abattu de sang-froid un citoyen pris pour un terroriste... Il était neuf heures passées de douze minutes lorsque Aïssa Mim, le président du tribunal criminel de Blida entra solennellement encadré de ces vieux briscards de magistrats conseillers, Rabah Ouriachi et Ali Rahim. Sur le siège du ministère public, la pimpante Djamila Benkhettou, procureure générale, suivait la prestation de serment des jurés (deux) triés au sort. L´accusation, grave, portait sur un meurtre. Maître Houcine Haoua est constitué pour la partie civile alors que Maître Kaddour Merah et Mohammed El Akhdar étaient pour l´accusé. Il apparaît, selon l´acte d´accusation dont de larges extraits sont repris par le président, que l´accusé, un policier de Boufarik, avait abattu de sang froid Achour F. pris, selon le policier, pour un terroriste. Le comble, pour l´accusé, c´est que le meurtre avait eu lieu en présence d´un groupe de patriotes qui ont tous donné la même version: «La victime avait été sortie du domicile par des policiers venus en "mission" l´interroger», ont-ils tous affirmé devant le magistrat-instructeur de Boufarik. Et ces faits ont eu lieu en 1995, lorsque Bakour, l´accusé s´était présenté au domicile de Achour dont la maman a confirmé à la barre les conditions dans lesquelles son fils avait été invité à suivre les policiers pour un interrogatoire routier. «Je ne l´ai plus revu depuis ce jour», a-t-elle articulé, le coeur gros en regrettant qu´un des policiers l´avait rassurée en ces termes: «Nous avons une discussion avec lui, c´est tout.» Maître Haoua, prend place à la barre à la place de la maman pour plaider avec beaucoup de passion, une passion enveloppée par les graves faits imputés à Bakour qui s´est substitué à la justice et vient aujourd´hui nier. «Nous sommes en criminelle et l´intime conviction, après les débats qui ont précédé ces durs moments, a une large place. C´est un crime prémédité et il doit être pris comme tel.» Maître Haoua savait, au fond, que l´acquittement planait...Debout, la procureure générale ne va pas s´éterniser sur ce dossier qu´elle considère clair comme l´eau de roche. «Nous avons les patriotes témoins. Nous avons la maman. Nous avons tous les éléments pour aller sur un fait certain: Bakour a tué de sang-froid.» Revenant à cette histoire de tentative de la victime de désarmer l´un des patriotes, Benkhettou s´accroche, déplore cette situation d´enlèvement de Achour qui, quand bien même était un terroriste, méritait d´être présenté à la justice et non de jouer au «western»: vingt ans de réclusion criminelle sont requis pour meurtre, conclut-elle en ayant en tête que cette affaire avait déjà été jugée et l´acquittement en était l´issue. Mais la Cour suprême avait cassé, pour un vice de forme durant la procédure concernant les témoins. Maître Kaddour Merah, le premier défenseur de Bakour crie d´emblée au complot et à une scabreuse mise en scène montée de toutes pièces. Gestuelle à l´appui, le vieil avocat fait preuve d´un accroc surprenant en éloignant tous les détails donnés sur l´acte d´accusation et tout ce qui a été retenu avec un imbroglio d´amalgames et de déclarations à l´emporte-pièce. «Notre client est innocent. Il n´y a même pas l´intime conviction surtout lorsqu´on soutient que les policiers étaient trois, une autre fois cinq. Que les policiers s´étaient présentés dans une seule voiture alors que la coutume est qu´il y ait au moins deux véhicules», a ajouté le conseil qui s´est accroché vingt-huit secondes avec le président du tribunal criminel qui n´a pas apprécié que l´on écorchat une institution...L´incident vite «égorgé», l´avocat reprit de plus belle sa défense avec beaucoup d´à propos et de conviction. «Ce n´est pas un acte isolé», avait lancé Benkhettou et l´avocat de rétorquer: «Ce n´est pas un acte du tout et ce n´est pas mon client qui a commis ce crime et nous réclamons l´acquittement pur et simple», a dit Maître Merrah juste après, le cadet du premier plaideur, Maître El Akhdar Daghmani joint sa voix à son aîné, en long et en large, de toute la plaidoirie. «Nous avons la ferme conviction que ce dossier va s´achever par l´acquittement car ce policier au comportement exemplaire n´a pas tué», a lancé le conseil. Revenant aux questions préjudicielles, le jeune défenseur réitère sa détermination à s´y accrocher et fermement. Nos policiers des années 90 ont droit à un hommage appuyé. Ils ont réussi à neutraliser l´horreur de Meftah à Bougara, en passant par Chebli, Benchabane, s´est écrié le conseil. Un conseil heureux, tout comme Maître Hadj Merah entouré comme il se doit pas ses deux stagiaires, les jeunes avocats, Maître Fouzia Aïssani et Asma Saïd. L´acquittement était venu conforter la thèse que Bakour n´a jamais assassiné quiconque mais que, par contre, alors que d´autres collègues avaient dû fuir le «triangle de la mort», lui, le policier Bakour pourchassait la bête immonde. En 2009, ses yeux embués, au box, des accusés, Bakour a dû amèrement regretter de s´être mis du côté de la République. Maître Houcine Haoua, lui, était revenu au cabinet, satisfait d´avoir fait son boulot. Quant à Benkhettou, elle était revenue à Boufarik où elle assure l´intérim du parquet.