L´inculpé de trafic de drogue n´a que ses déclarations à étaler face à la juge. Sa parole contre celle des flics... Abdedaïm.Z., 24 ans est un revendeur à la sauvette. Il a une table pliable, à la seule vue des policiers en constances rondes impromptues. Il ne vend que des fruits. Et les fruits que demeurent impérissables se vendent vite. Généralement, le jeune enfant d´El Hamiz plie bagages avant le crépuscule avec un bon pactole. Or, ce lundi, il est pris, avec, au milieu des cageots de pommes, des joints et un couteau que l´enquête donnera comme étant un outil de «coupes» d´une plaquette des joins. Pourtant, Abdedaïm nie. Il nie avec gestes et larmes. Il vient de réaliser qu´il vient de tomber dans le délit le plus infréquentable: le trafic de drogue, délit prévu et puni par la loi n°04-18 du 25 décembre 2004 relative à la prévention et à la répression de l´usage et du trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes avec des redoutables articles qui prévoient de très lourdes peines d´emprisonnement, signe que le glaive de Dame justice est brandi juste pour punir ceux qui flirtent avec le trafic ou la commercialisation de came... Le jour du procès, il est assisté de Maître Benouadah Lamouri, l´avocat de Dar El Beïda (Alger) qui a la réputation de ne jamais laisser le champ libre à la police judiciaire et à son chef: le ministère public! Et dans ce dossier précisément, le défenseur a des arguments et des plus solides à brandir à la face du tribunal où veille Selma Bedri, la jeune présidente de la section correctionnelle du tribunal d´El Harrach (cour d´Alger), une présidente qui va prendre les débats par le bon bout. -Inculpé! Vous enfant d´El Hamiz, vous exercez où? -A Mohammadia où je gagne ma vie. Tous les riverains me connaissant. Je ne sais pas comment ont pu faire les policiers pour trouver de la drogue dans un des cageots à fruits. Je ne veux pas jurer, mais je peux vous affirmer que ce n´est pas moi qui ai déposé les joints. Je ne suis pas un fou pour aller au -devant des problèmes. Je vais avoir 24 ans. Je n´ai jamais mis les pieds dans un commissariat de police. Dans le quartier, on me respecte, car je me réveille tôt et m´endort juste après la prière de «Icha» et lorsque... La magistrate l´interrompt pour l´inviter à ne pas se répéter. Abdedaïm.Z., respire profondément, s´excuse d´avoir dérapé en se répétant. Le sourire large, le front haut, Bedri regarde bien l´inculpé avant de feuilleter le dossier. Elle en tire un feuillet et relit rapidement un passage où il est question de fouille impromptue: - Les policiers ont fouillé six cageots avant de découvrir les joints découpés au couteau. Vous aviez cru bien vous débrouillé? La malchance était là, au bon moment. Alors, ne tentez pas de tromper le tribunal. Les faits sont bel et bien là. La drogue n´a pas été trouvée sur la chaussée ni dans un mur, mais sur votre table-étal. Le détenu fait non de la tête, des épaules et de tout de corps, un corps frêle avec des muscles quasi -inexistants et ce qui fait que ce jeune qui n´a que la peau et les os ne soit pas bien dans son mental, surtout que pour la première fois de sa vie, il venait de passer trois nuits à l´ombre et aux «Quatre Ha». C´est dire la galère du jeune. D´ailleurs, lorsque Ali Marich-Mohammed, le représentant du ministère public avait osé poser trois questions, histoire de prouver que les policiers n´avaient aucune raison d´accabler un détenteur d´étal à fruits, n´était la présence de la came en... possession du jeune malheureux qui n´avait pas saisi le sens de cette découverte. Et ce sera Maître Lamouri qui rétablira l´équilibre plus tard, lorsqu´il posera à son tour trois questions à son client qui a répondu juste. A l´intention du parquetier, l´avocat dit à la juge «qu´il y a plusieurs manières de poser les questions. Il suffit d´y mettre le ton et le temps». L´ironie du conseil donne l´occasion à Bedri d´arborer son plus beau sourire de la journée. Et au moment où Maître Lamouri enfourcha un étalon noir pour partir à l´assaut des demandes du procureur, six ans, tout de go, il criera à l´innocence de son jeune client: «Madame la présidente, vous, en tant que maman, vous avez dû vous apercevoir de l´attitude de la mère de Abdedaïm qui s´est recroquevillée depuis qu´elle a entendu et confondu les six ans requis par l´honorable représentant de la société qui ne croit que ce qu´écrivent les éléments de la police judiciaire. Pourquoi ne pas le croire et vous laisser gagnée par le doute et éviter d´envoyer en taule un innocent. Vous ne vous êtes pas dit qu´une main assassine avait dû enfouir à la hâte la came dans les cageots et les fruits? J´ai demandé à mon client s´il avait un ennemi, il m´a répondu qu´il avait des adversaires, mais incapables d´aller jusqu´au feu de la taule», a articulé l´avocat, le front rouge de sueurs froides à cause de ce mardi chaud de mai 2011. Et lorsque la bouillante juge du siège avait annoncé la mise en examen du dossier en fin d´audience, Maître Lamouri avait jeté une tape paternelle sur l´épaule gauche du détenu avant de plier bagage pour la cour de Boumerdès...