On a beau dire, on a beau faire, il y a un gouffre abyssal entre les slogans dont on nous rebat chaque jour les oreilles jusqu´à saturation, et la réalité, la triste réalité qui s´impose à nos yeux désabusés. L´actualité nous offre tous les jours des exemples criants de ce divorce qui existe entre les principes généreusement étalés dans des textes taillés par de belles plumes et adoptés par des gens de qualité qui ont beaucoup de choses entre les oreilles mais qui ont le plus souvent, le coeur à gauche et le portefeuille...à droite. Si cela n´était pas ainsi, il y aurait longtemps que les injustices auraient cessé. On ne peut faire le compte exact de révolutions, d´émeutes, de conférences, de symposiums, de séminaires, d´études, de thèses philosophiques, d´essais faits dans l´unique but d´atténuer les différences de plus en plus manifestes entre ces mammifères bipèdes qui composent l´humanité: tous les textes sont d´accord pour énoncer que les hommes naissent libres et égaux en droit, mais dans la réalité prosaïque, on peut s´apercevoir sans avoir besoin de suivre des émissions du genre Le dessous des cartes ou de la National Geogra-phic pour comprendre que tout le monde n´est pas logé à la même enseigne. D´abord, ceux qui vivent dans les pays du Nord ont quelques longueurs d´avance sur ceux qui vivent dans les pays du Sud. Peut-on sincèrement imputer cela au climat et dire que le froid est propice à un travail continu et rigoureux et que par contre, le soleil, la chaleur, la sueur, les mouches, les moustiques, enfin tous les facteurs qui entrent dans l´environnement qui nous est familier, favorisent plutôt la sieste et le farniente...A moins qu´on allègue, une fois de plus, cet outil inusable et combien opportun, qu´est la langue de bois pour invoquer encore et toujours les séquelles d´un colonialisme qu´on n´arrive pas à effacer après un demi-siècle de socialisme spécifique, de libéralisation sauvage, de restructurations criminelles, de privatisations erratiques et d´erreurs reconnues...Mais alors comment expliquer que d´autres pays situés sous la même latitude, (les dragons de l´Asie du Sud-Est) possédant même noix de coco et bananes (les deux éléments indispensables pour faire une république bananière idéale) sont sortis de la boue et défient les pays du Nord alors que d´autres pays qui ont perdu depuis longtemps la boussole, se demandent encore s´ils doivent développer la pêche hauturière en passant des marchés douteux avec des chantiers navals pas orthodoxes du tout ou développer la pisciculture à l´ombre des palmiers qu´on a longtemps rêvé d´exploiter pour en tirer du bio-carburant? Passons...Comme le faisait remarquer un ami devenu fataliste par la force des choses: l´égalité n´existe pas et n´existera jamais. Si on devait distribuer équitablement les richesses de ce bas monde entre les individus qui peuplent cette planète, au bout de quelque temps, le phénomène de concentration de richesses reprendra ses droits. Les plus habiles, ceux qui auront le coeur à l´ouvrage, qui économiseront, qui investiront dans les secteurs productifs s´enrichiront, tandis que les jouisseurs, ceux qui veulent profiter de leur court passage sur terre, ceux qui ne savent pas serrer la ceinture, ceux qui manquent de cran, s´appauvriront. Il y aura toujours des cigales et des fourmis.