«Le génie, c´est d´avoir du talent tout le temps; le talent, c´est d´avoir du génie de temps à autre; l´intelligence, c´est de savoir que l´on n´a ni génie, ni talent.» Philippe Bouvard Ils étaient venus, ils étaient tous là, pour l´accompagner à sa dernière demeure. Lui qui avait participé à tous les grands films du cinéma algérien. Il était pour l´Algérie, ce que Marlon Brando était pour l´Amérique et Alain Delon pour la France. Le cimetière de Sidi M´hamed, était très exigu pour contenir tous les compagnons du 7e art de ce comédien de talent. Il y avait les artistes de talent et les comédiens de passage, les acteurs du Ramadhan et les figurants de Chaâbane, les grands réalisateurs et apprentis-metteurs en scène, les producteurs de chefs-d´oeuvre et les commerçants de la pellicule. Il y avait les opportunistes de la culture et les artisans de la réussite culturelle. Des journalistes en activité et des journalistes confidents, ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n´y croyaient pas. Ceux qui faisaient la prière et ceux qui faisaient seulement le Ramadhan. Il y avait les politiques très cultivés et les hommes de culture apolitiques. Ils étaient tous là pour accompagner à sa dernière demeure, l´artiste le plus modeste et le plus digne de la profession. Celui qui habitait en face du 21 boulevard des Martyrs, mais qui n´a jamais demandé une faveur à l´Entv, celui qui percevait son cachet en euros mais qui ne pouvait pas se passer de sa Golf 5e génération. Celui qui avait contribué à la réussite des films pour Cannes, mais qui n´a jamais demandé à monter les marches de la Croisette. Celui que la profession a oublié et que l´APC de Sidi M´hamed a honoré lors d´une soirée mémorable. Celui qui faisait de l´ombre à certains comédiens et la lumière à certains réalisateurs. Lui c´est aussi ce grand comédien qui acceptait de partir en taxi pour participer à la célébration d´un hommage pour Lakhdar-Hamina à Msila, alors que d´autres exigeaient des berlines et les billets en première classe. Lui, c´est aussi celui qui partait avec la délégation d´artistes algériens à La Mecque, mais qui refusait qu´on le surnomme El hadj. Lui, c´est celui qu´on surnomme, l´Américain du cinéma Algérien par sa taille et son envergure, mais qui ne s´en ventait pas parce qu´il rendait jaloux certains comédiens qui n´avaient ni la taille ni la carrure. Lui, c´est celui qui a réussi à coller à tous les rôles impossibles et inimaginables, que ce soit celui d´un moudjahid dans la Bataille d´Alger ou celui d´un policier ripoux dans les Rues d´Alger. Il a commencé sa carrière par la participation d´un film qui a été interdit 40 ans en France et l´a achevé par la participation à un film dont la sortie sera probablement perturbée le 22 septembre prochain. Il a choisi de nous quitter alors qu´il a été sollicité pour jouer dans un autre film révolutionnaire, celui de Zabana de Saïd Ould Khelifa. Lui, c´est Ammi Larbi Zekkal, un comédien digne, qui a choisi de partir sans crier...toujours dans le silence artistique qu´on lui connaît. [email protected]