«En Algérie, on a augmenté le prix du sucre, ils jettent des pierres. Je conseillerais au gouvernement algérien d´augmenter le prix de la pierre pour qu´ils jettent du sucre.» Jamel Debouzze "Le Parisien du 29 janvier 2011" Le vendredi 28 janvier restera dans les annales de l´histoire égyptienne. Le Chaos comme le voyait dans la fiction Youcef Chahine dans son dernier film, était en train de se dessiner dans la réalité sur la chaîne qatarie Al Jazeera. Contrairement aux idées reçues, c´est sur cette télévision qu´était branché le président égyptien Hosni Moubarak toute la journée du vendredi. Il la déteste, mais grâce à elle, il filtre ses ennemis et ses adversaires. On imagine si Al Jazeera existait du temps de la Seconde Guerre mondiale, elle aurait informé les généraux et Hitler de la chute imminente de Berlin. Depuis 48 heures, et malgré la fermeture du bureau du Caire par les autorités égyptiennes, elle n´a pas cessé de diffuser des images non contrôlées par al moukhabarat. Installés dans leur bureau de Cairo´s Gelaa Street, les journalistes d´Al Jazeera décryptent, minute après minute, les événements, dès la fin de la prière du vendredi. Ils ont craint de voir couper l´antenne quand ils ont vu des forces de police entrer dans leur immeuble, mais rien ne s´est passé. Car Moubarak leur a dit: «ne coupez pas Al Jazeera, je suis en train de la suivre.» Al Jazeera n´a pas besoin de bureau pour faire tomber les régimes arabes, a tenu à dire un intervenant égyptien pour expliquer parfois l´absence d´image. La caméra tourne et vise les scènes d´émeutes et s´arrête sur des images très symboliques, comme cette image d´une jeune fille voilée, en jeans qui se mêle à la foule des manifestants et qui est obligée de sauter par-dessus la barrière. C´est la génération Facebook et Twitter qui est en train de faire sa propre révolution. La révolution du live. Une révolution télévisée en direct, vue du haut d´un immeuble. Du jamais-vu depuis l´effondrement du bloc de l´Est et du mur de Berlin. Les images et les commentaires de la chaîne qatarie Al Jazeera, diffusée en anglais et en arabe sur Internet, toute la journée de vendredi, ont informé des millions d´internautes sur l´évolution de cette journée capitale, malgré le blocus total imposé par le pouvoir égyptien sur les télécommunications. A l´écran, c´est le défilé des experts en politique, des analystes, des communicants, qui commentent en direct les images et dissèquent le discours du Raïs. C´était du journalisme intelligent, sobre, haut du front, avec des interviews de figures de l´opposition égyptienne, d´experts de la région (quand même) et beaucoup de précautions et de modestie. Des faits, des faits, des faits et l´analyse des faits. Tandis que le site de CNN ne proposait que des images de moyenne qualité, dignes de YouTube, Al Jazeera témoignait sans relâche, images à l´appui, informant, non seulement les millions d´arabophones voisins, mais aussi tous les autres. A Alger, la ville est calme, dans un salon de thé à Sidi Yahia, l´écran plasma qui avait été installé pour suivre les matchs de la Coupe du Monde et plus précisément un certain Algérie-Egypte, sert aujourd´hui à suivre les événements en Egypte. Les Algériens suivent avec intérêt cette manifestation de colère du peuple de Oum Dounia contre le dernier Pharaon. [email protected]