Un boss et son ancien employé sont à la barre et chacun a donné sa version devant un juge plus que vigilant et attentif. Il y a longtemps que nous n´avions pas vécu un procès opposant un patron à un de ses ex-employés. A Rouiba, mardi dernier, Maître Mohammed Kadri était dans tous ses états à cause des désagréments causés par la réception intempestive de pseudo-plaintes bâties sur du vent! Le défenseur avait du mal à avaler que son client, un gars BCBG, visiblement aisé, mais mal à l´aise par le fait d´être traîné à la barre pour un délit qu´il affirme ne pas avoir commis. Mohammed Tahar Belkadi, le jeune président de la section non détenus du tribunal de Rouiba de la cour de Boumerdès, était visiblement pressé d´en finir avec ce dossier, surtout que Maître Kadri avait, avant que l´on entre au fond, introduit des questions préjudicielles, tournant autour de l´article 284 du Code pénal qui évoque les menaces. Et avec cet article, il n´y a pas lieu de pavoiser, car pour que ce délit tienne la route, il doit avoir en guise de preuves, la présence à la barre de...témoins: deux! Et pour le défenseur, sans témoins, pas de menaces donc pas de procès: annulation des procédures. Mais pour ne pas changer, nos juges du siège ne veulent jamais se mouiller et mettre un terme à ce genre de dérapage et heureusement que l´industriel inculpé n´était pas en détention provisoire! Belkadi va au fond en annonçant de joindre les questions préjudicielles de l´avocat de l´inculpé aux débats vite engagés. D´emblée, la victime se présente comme victime. Il s´exprime en victime, parle comme une victime, se plaint en victime, même si son adversaire ne le voit pas en...victime! «Au fait, marmonne le président, que vous a dit exactement votre ancien boss? Et redites les mots- termes prononcés-pas plus, ni moins». On aurait dit que la victime se trouvait sur la ligne de départ d´un cent mètres sitôt demandé, sitôt répondu. A une vitesse inouïe, la victime ou la pseudo-victime, comme avait tenu à le préciser Maître Kadri, s´était mise à débiter les mots à cent à l´heure et d´articuler: «M. le Président, ce monsieur s´est permis de me manquer de respect. Il m´a insulté. Il m´a humilié, il m´a traité de chien, ce qui constitue une suprême insulte pour tout citoyen digne. Il m´avait même menacé. Il m´a dit qu´il me chasserait de mon domicile. Je suis venu pour être réhabilité. Il me doit de l´argent. Je cherche à reprendre mon bien. Qu´il me régularise les arriérés qu´il me doit.» Le juge est tout ouïe. On dirait qu´il était satisfait d´avoir laissé cette victime de plus de 1,80 cm, vider son sac. L´inculpé lui, se contentera de prononcer cinq mots que nous n´avions pu voler dans le léger brouhaha qui régnait dans la salle d´audience. Il laissera le soin à son avocat qui prendra acte des quatre mois de prison ferme et des 20.000 DA d´amende requis par cette délicieuse Ouahiba Chebaïki, la procureur de l´audience toujours vigilante. «M. le Président, je vous remercie d´avoir laissé la pseudo-victime vider son sac à vent. Il a tout dit. Il s´est même bien plaint, sauf que, non seulement le dossier est vide, mais encore aucune preuve n´existe autour des menaces et enfin, il n´y a eu à la barre aucun passage d´un seul témoin venu étayer les propos de cette pauvre pseudo-victime dont les déclarations révoltent. Il est venu nous raconter qu´ils s´étaient rencontrés dans la gare routière où il y a un monde fou et les témoins à la pelle, sans compter les policiers qui déambulent et veillent au grain. Enfin, M. le Président, la défense vous remercie d´avoir posé la question de savoir si la victime avait oui ou non un témoin. La victime n´avait rien répondu, car elle n´en avait pas. C´est pourquoi nous ne demandons que la relaxe, a récité l´avocat qui devra attendre pour le verdict mis en examen.