Photo / DR Par Faouzia Ababsa et Hasna Yacoub Le verdict du procès de dilapidation de 3 200 milliards de centimes des agences de la BNA est attendu pour aujourd'hui. Durant la journée de jeudi dernier, la défense poursuivait ses plaidoiries pour démonter les accusations du ministère public. L'avocat de M. Amari, ex-directeur régional de la BNA, a essayé d'expliquer au tribunal qu'une relation particulière entre un directeur et un gros client «est tout à fait normale du moment que la banque, une institution commerciale, doit veiller à avoir d'importants clients». Revenant à l'ouverture de plusieurs comptes pour le principal accusé de cette affaire, Achour Abderrahmane, alors qu'il avait des démêlés avec la justice pour son compte à l'agence de Aïn Benian, la défense a démontré que son client ne pouvait «interdire l'ouverture de comptes que dans le cas où la direction centrale (la centrale des risques) lui en aurait donné l'ordre. De plus, le compte de National A+ a été ouvert par Achour en 2000 et mon mandant ne pouvait pas savoir en recommandant ce client que ce dernier allait le dilapider quelques années plus tard». L'avocat de Amari fera enfin remarquer au tribunal criminel que la responsabilité d'un directeur régional se limite aux crédits, «malgré cela et si l'on se réfère à l'expertise, nous n'allons trouver aucun détail : ni les numéros de chèques, ni les opérations comptables, ni les montants. Il est à se demander ce que l'on reproche alors à mon client.» Me Benaki, l'avocat de Benmiloud, l'ex-directeur de l'agence de Cherchell commencera sa plaidoirie en disant : «Je ne suis pas un expert en matière d'opérations bancaires mais le ministère public également. Il est important que je signale au tribunal que le juge d'instruction et lors de ses auditions a fait appel à des cadres de la BNA et se sont ces derniers qui disaient au juge ‘‘celui-là à une part de responsabilité''. C'est inadmissible et contraire aux lois». Au sujet de la lettre anonyme qui a fait éclater le scandale de la BNA, Me Benakli affirme que «cela peut aussi être considéré comme un règlement de comptes». Détaillant les vices de forme, le défenseur affirmera que le dossier de cette affaire, l'instruction et l'expertise «ont été mal faits» et il se demandera comment un juge d'instruction peut-il demander à un inculpé de donner son avis sur une expertise «qui risque de l'emprisonner pour plusieurs années» sous 24 heures ? «C'est ridicule et on nous parle de réforme de la justice !». Plaidant sûrement en désespoir de cause, Me Benakli affirmera que «l'agence BNA de Cherchell ne pouvait même pas payer ses employés en 2003 et l'arrivée d'un client aussi important que Achour était plus qu'une aubaine. Il ne méritait pas uniquement des égards mais d'être entouré de gardes du corps, de dîners et de déjeuners quotidiennement !!!» Quant à l'accusation de son client de cavalerie à cause de ses renvois des chèques entre son agence et celle de Bouzaréah sans aucune mention, l'avocat explique simplement : «Un chèque renvoyé veut dire qu'il est rejeté, pas besoin d'une mention pour le spécifier». Il finit par se demander : «Si détournement il y a, où est le rôle de mon client puisque de la caisse de l'agence de Cherchell aucun centime n'en est sorti ?» Intelligence exceptionnelle Me Mouda, plaidant en faveur du même accusé qui, précisons-le, a constitué six avocats, a développer le côté technique. Il a ainsi expliqué que Achour Abderrahmane avait obtenu un crédit leasing auprès de la Baraka Bank pour effectuer des investissements et créer d'autres sociétés, «cela a été mentionné dans le rapport de l'inspection de 2004. Un second rapport établi par le témoin Reggabi, l'inspecteur de Blida, précise que les garanties présentées par Achour Abderrahmane sont suffisantes et équivalent le milliard de dinars. Il précise également que ce client est prêt à présenter une nouvelle garantie, une briqueterie nouvellement acquise d'une valeur de 500 millions de dinars. Mon client, en sa qualité de directeur régional, a pris connaissance de ces deux rapports et ne pouvait donc douter de la crédibilité de Achour Abderrahmane. Accepter de domicilier un aussi important client, est-ce une infraction ?». Me Mouda reviendra sur les comptes égarés pour affirmer qu'ils ne sont pas pris en compte lors du bilan : «Les comptes égarés sont hors bilan mais c'est aux commissaires aux comptes et aux experts de vérifier les écritures comptables et de s'interroger sur ces comptes. Il est impensable qu'un commissaire aux comptes valide un exercice avec un trou de 2 100 milliards !». En plus, explique encore le défenseur, «les journées comptables sont envoyées quotidiennement pour être contrôlées. Les écritures entre sièges sont peut être anonymes mais il y a des codes qui démontrent s'il s'agit d'encaissement ou d'escompte ou de toute autre opération. Donc, la vérification est possible». Revenant sur l'expertise, Me Mouda fera remarquer également que ce document fait état d'encaissement de chèques mais ne présente ni le chèque, ni son enregistrement et encore moins l'écriture comptable. «Qu'est-ce qui prouve que c'est vrai ou encore que c'est Benmiloud qui a ordonné l'encaissement ? Si réellement il y avait des écritures entre sièges [agence Cherchell et Koléa], elles ne peuvent rester en suspens pendant quatre ans puisque les commissaires aux comptes exigent obligatoirement que ces écritures entre sièges soient soldées au 31/12 de chaque année». Abordant enfin le chef d'inculpation de falsification, Me Mouda affirmera : «Pour la prouver il faut une expertise scientifique. Cette dernière n'a jamais été faite. Alors sur quelle base, poursuit-on mon client ?». La veille, Mes Bouchachi et Biskri ont plaidé en faveur de Merarbi Hassiba, la secrétaire de Aïnouche. Me Biskri fera valoir la bonne moralité de sa cliente. «Depuis qu'elle est en prison, elle a appris les 60 chapitres du Coran», lancera l'avocat comme pour impressionner le tribunal. Cela en sachant que sa cliente a troqué sa garde-robe contre «le hidjab» une fois en détention. «Elle est dotée d'une intelligence exceptionnelle. Elle est munie de plusieurs diplômes, dont certains ont été obtenus au cours de sa détention. Ce sont ses ambitions et son intelligence qui ont fait que son patron lui demande d'aller travailleur à l'imprimerie au Maroc.» Pour répondre au tribunal quant à l'accompagnement de ses parents pour séjourner avec elle au royaume chérifien, Me Biskri invoquera les valeurs musulmanes et les traditions qui ne tolèrent pas qu'une jeune femme, non mariée, habite seule (sic !). Il dira que Merarbi Hassiba n'est n i associée ni propriétaire des entreprises. Et elle n'est à aucun moment citée dans l'expertise. «Ce sont les déclarations de Mouaissi Mustapha, qui a exagéré les informations qui ont fait qu'elle se trouve ici aujourd'hui. Il s'est d'ailleurs rétracté devant le magistrat instructeur à propos de ses visites à l'agence de Bouzaréah d'où elle est supposée en être sortie avec des valises bourrées d'argent.» Le poids de la société L'avocat tentera de démolir le chef d'inculpation d'association de malfaiteurs et pour lequel le parquet a requis 20 ans de prison ferme. «Hassiba Merarbi ne connaît personne d'autre que Ainouche», dira-t-il, omettant que sa cliente s'était liée d'amitié avec Akila Mezegharni, ex-directrice de l'agence BNA de Bouzaréah. Pour la complicité de détournement, Me Biskri précisera au tribunal que les documents bancaires en question étaient des chèques barrés qui vont d'un compte d'une société vers un autre. «En l'absence de preuves, je demande la relaxe pure et simple». Me Bouchachi, qui lui succèdera, entamera sa plaidoirie en s'étonnant que l'on puisse mettre sur un même pied d'égalité dans l'affaire de la BNA des responsables de banques et une secrétaire ou un chauffeur. Il précisera que ce n'est parce que Hassiba Merarbi était secrétaire, donc, par excellence, détentrice de tous les secrets, que cela veut dire qu'elle est coupable ou complice, et sous prétexte que les poursuites sont personnelles, tout comme les responsabilités. Me Bouchachi et non moins président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme fera remarquer à la cour que sa cliente n'a pas fait recours à la décision de son extradition et encore moins interjeté appel contre l'arrêt de renvoi. «Pour une simple raison : elle voulait se présenter devant le tribunal pour raconter sa version des faits, que vous avez tous entendus.» Et l'avocat de poursuivre : «L'arrêt de renvoi ne comprend aucune motivation ni attendus. Si le tribunal trouve un seul compte en son nom, ou un seul chèque qu'elle aurait encaissé frauduleusement, infligez-lui 20 ans de prison !». Aujourd'hui, le président du tribunal, les deux assesseurs et les deux jurés entreront en délibéré, après l'achèvement de la dernière plaidoirie. Ils devront répondre par oui ou par non à chaque accusation pour chacun des accusés. Ils devront surtout répondre à la question : «Avez-vous une intime conviction ?»