«Avancez en arrière!». On ne peut pas si bien dire... Aucune date n'est fixée pour la livraison totale du projet du tramway d'Alger. Bousculade à la station du tramway d´Alger, située à la cité Les Bananiers (Alger-Est). Il est 11h. La rame 104 s´apprête à démarrer. Des tentes sont placées sur les lieux pour accueillir la délégation officielle conduite par Amar Tou, ministre des Transports. Ses homologues Mustapha Benbada et Souad Ben Djaballah, respectivement ministre du Commerce et ministre déléguée chargée de la Recherche scientifique sont au rendez-vous. Ils ne veulent pas rater le jour de la mise en service du tramway Citadis d´Alger. Tout est mis en place pour la grande fête... qui tourne au vinaigre. Les agents de l´Etablissement de transport urbain et suburbain d´Alger (Etusa) sont complètement dépassés. «Avancez en arrière», crie l´un d´eux, à l´encontre des passagers. Les vieux réflexes ont la peau dure. La rame part sans le ministre Chaque rame peut contenir 302 passagers, dont 224 debout et 78 assis. Cette limite est largement dépassée. Les minutes passent. Amar Tou monte dans la voiture. Les flashes crépitent pour immortaliser l´événement. Journalistes, représentants des autorités nationales et locales, responsables d´Alstom Transport en Algérie, de l´Entreprise métro d´Alger (EMA) et des différents intervenants dans la réalisation de ce projet sont sur le point de vivre le moment historique du retour du tramway, après une absence qui a duré plus d´un demi-siècle. Une nouvelle page de l´histoire nationale est sur le point d´être ouverte. Seulement, la rame n´est pas au rendez-vous. Elle refuse de démarrer! «Un câble de très haute tension de transport d´électricité est rompu. Toute la région d´Alger-Est est privé d´électricité», révèle un représentant du ministère sous couvert d´anonymat. «Je ne joue pas avec le pain de mes enfants», justifie-t-il. Il précise néanmoins que le problème provient des services de la Sonelgaz. Une demi-heure après, l´électricité est rétablie. «Nous pouvons, enfin, partir», jubile un passager. Sa joie n´est que de courte durée: la rame refuse toujours de partir. «On a touché au système d´alarme. La rame est bloquée», grogne un agent de l´Etusa. La confusion est à son comble. Le ministre descend de la voiture. Il fait contre mauvaise fortune bon coeur. «Laissez partir les deux premières rames (n°103 et n°104)», ordonne-t-il à l´un des responsables, sur place. «M. le Ministre, je croyais que vous vouliez monter dans cette rame», balbutie ce dernier. «Je ne prendrai pas cette voiture», lui rétorque, sèchement, Amar Tou. D´un pas ferme, le ministre rejoint la tente érigée pour sa délégation. Les deux rames partent, presque simultanément, sans la délégation officielle. Il est midi. Les rayons du soleil brûlent la peau. Le délai de réalisation indéterminé... Une troisième rame s´apprête à démarrer. Elle accueille la délégation officielle et les représentants de la presse, restés sur les lieux. A l´intérieur, les noms des stations affichés, en français, sont repris, tel quel...en arabe. «C´est du français arabisé», commente un usager. La voiture part. Elle prend la direction de la station de maintenance, sise au domaine Mimoune Hamoud (Bordj El Kiffan), sur une distance de 7,2 kilomètres. Le ticket coûte 20 dinars. «Le prix est cher par rapport à la longueur de la ligne», conteste un habitant de la cité Les Bananiers. Ce tronçon comprend 13 stations et représente la première partie du Tramway d´Alger. Il est doté de 12 rames qui transporteront entre 10.000 et 15.000 voyageurs quotidiennement. Les horaires des rotations sont réparties entre 6h et 21h, à raison de 12 à 16 minutes d´intervalle entre deux départs. «Journalistes, dégagez!» Le projet du tramway d´Alger, entamé en 2006, «s´étendra sur 23 kilomètres, comprendra 38 stations et 8 pôles», selon le communiqué de presse d´Alstom, remis à la presse. Son coût global est estimé à 35 milliards de DA (350 millions d´euros). Un point intrigue les observateurs, au fait de ce dossier: l´absence d´un échéancier pour la livraison finale du projet. «Il n´y a pas de délai fixé pour l´achèvement du projet, nous avançons en fonction de la réalité sur le terrain», dévoile Eric Lenoir, porte-parole d´Alstom. A peine le ministre Amar Tou a-t-il présenté ses «excuses pour le retard dû à la panne d´électricité», lors de son allocution, à la station de Bordj El Kiffan, qu´un autre incident se produit. «Dégagez!», crie un responsable de la sécurité (travaillant chez Alstom, selon des témoignages recueillis sur les lieux), aux journalistes, à l´entrée de la station. Le feuilleton du tramway d´Alger est loin de connaître son épilogue.