Rétablissement des frontières nationales, retour des visas, conditionnalité de l´aide: l´Union européenne va se prononcer demain pour une approche très sécuritaire des mouvements migratoires dictée par l´influence grandissante de ses partis populistes et xénophobes. «Il n´est pas question de construire une forteresse», se défend Cécilia Malmström, la commissaire chargée des questions d´immigration. Les propositions qu´elle va soumettre aux ministres européens de l´Intérieur s´inscrivent dans le cadre d´une «stratégie» et se veulent une réponse ponctuelle aux carences constatées dans le contrôles des frontières extérieures du sud de l´UE, soumises à des arrivées massives de migrants fuyant la misère économique, corollaire inattendue des révolutions dans le monde arabe, soutient-elle. «Tout va ensemble: des contrôles aux frontières efficaces, une politique d´intégration et une politique de réadmission» des illégaux renvoyés dans leur pays. Mais la commissaire n´est pas dupe. Les seules nouveautés dans ses propositions sont les mesures sécuritaires imposées par la France avec le soutien de l´Allemagne et de nombreux autres pays du Nord. Libérale, attachée au principe de la libre-circulation en Europe, la commissaire s´est fait forcer la main pour inscrire des mesures sécuritaires et craint de ne pas obtenir d´avancées sur les volets asile et protection internationale, dans l´impasse depuis des mois, confie son entourage. «En ce moment, la priorité c´est la sécurité. Toutes les autres problématiques, comme les droits des migrants, la protection des demandeurs d´asile et la solidarité sont loin d´être résolues», soutient Sergio Carrera, spécialiste des questions d´immigration (European Policy Studies). Ce sentiment est entretenu par les prises de positions du président français Nicolas Sarkozy. Dans une lettre au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, du 6 avril, il rejette toutes les demandes de Mme Malmström en matière d´asile et de protection internationale «par souci de ne pas créer d´effet d´appel». Paris veut combattre les carences, les mauvaises pratiques et les abus dans la politique d´immigration et d´asile de l´UE. La possibilité de rétablir les contrôles aux frontières nationales et de restaurer une obligation de visa est «une arme de dissuasion» et l´objectif est de «ne pas avoir à s´en servir», assurent les autorités françaises. La demande révèle toutefois un manque de confiance à l´égard de la Grèce et de l´Italie, soupçonnées de vouloir exporter leurs difficultés et, surtout, de la Bulgarie et de la Roumanie, dont l´adhésion à Schengen, l´espace sans frontières de l´UE, est bloquée à cause des doutes sur leur capacité à assurer le contrôle des frontières avec la Turquie et l´Ukraine. Cecilia Malmström entend batailler demain pour éviter un usage discrétionnaire de cette «arme de dissuasion». Elle va plaider pour que la décision d´autoriser un Etat à réintroduire des contrôles à ses frontières nationales soit prise au niveau européen. Elle veut également obtenir des avancées dans l´accueil des réfugiés. Le conflit en Libye a déplacé des centaines de milliers de ressortissants africains installés dans ce pays. Beaucoup prennent la mer pour tenter de gagner l´Italie, porte d´entrée dans l´UE. Au cours des derniers jours, un millier de personnes ont débarqué à Lampedusa et ont fait état du naufrage d´une embarcation au départ de Tripoli. «L´Europe doit s´occuper des réfugiés en provenance de Libye», soutiennent les autorités italiennes.