La possibilité de rétablir temporairement les contrôles aux frontières nationales, réclamée par la France, devra toujours être «l'ultime recours», pour éviter de marginaliser les pays situés aux confins de Schengen, l'espace européen sans frontières, a averti la Commission européenne. «Il n'est pas question d'avoir un espace Schengen à deux vitesses», a mis en garde un de ses porte-parole, Olivier Bailly. La Commissaire en charge de la Sécurité Cécilia Malmström présentera mercredi un «paquet global» d'actions pour lutter contre l'immigration comportant des propositions pour adapter les règles de Schengen. Actuellement, un pays peut temporairement rétablir les contrôles à ses frontières nationales en cas de menace grave à l'ordre public et à la sécurité. «C'est trop restrictif», juge la France, qui demande de prévoir deux autres cas de figure inspirés par des situations concrètes: la «défaillance» d'un Etat périphérique dans sa capacité à assurer durablement le contrôle de ses frontières, comme cela s'est produit en Grèce, et la nécessité de faire face à «un événement inattendu» pouvant créer des désordres, comme la décision du gouvernement italien de régulariser des migrants arrivés illégalement sur son territoire avec la volonté de gagner la France. «Il ne s'agit pas de gestion courante, mais de mesures en dernier ressort», assurent les autorités françaises. Mme Malmström se veut prudente. «Il y a des problèmes de frontières extérieures. Il faut en parler, mais sans remettre en cause le système, car la libre circulation est un fondement de l'Union européenne», soutient-elle. L'hypothèse d'une défaillance d'un Etat est prise en compte dans sa réflexion, souligne-t-on à la Commission. La possibilité de fermer temporairement «une portion» du territoire national en cas d'événement «soudain et inattendu» est également envisagée. Mais l'idée de permettre les contrôles aux frontières nationales dans l'espace Schengen pour lutter contre l'immigration illégale pose problème. «L'action de certains courants politiques affecte le débat», déplore la commissaire. La demande française révèle un manque de confiance vis-à-vis de certains pays de la «première ligne», notamment la Grèce et l'Italie, soupçonnés de vouloir exporter leurs difficultés, et surtout de la Bulgarie et de la Roumanie, dont l'adhésion à Schengen est bloquée à cause des doutes sur leur capacité à assurer le contrôle de leurs frontières. Les débats s'annoncent houleux lors de la réunion extraordinaire des ministres de l'Intérieur de l'UE le 12 mai à Bruxelles. D'autant que la France demande beaucoup et offre peu en échange. La Grèce et Malte demandent une révision de la règle qui impose aux pays d'arrivée dans l'UE de traiter les demandes d'asile. Pas question, a averti Nicolas Sarkozy dans une lettre adressée le 6 avril au président de la Commission José Manuel Barroso. La France refuse également l'idée d'une libéralisation des visas, contrepartie possible à un engagement des pays d'origine des migrants de lutter contre l'exode de leurs ressortissants et de faciliter leur retour. «Il faut éviter de créer des effets d'appel», soutient le chef de l'Etat français. Or, sans contreparties, il sera difficile de négocier des accords de réadmission pour les migrants en situation irrégulière. Et sans ces accords, il sera impossible de les renvoyer chez eux, réplique la Commission. Nicolas Sarkozy a une autre approche: «la conditionnalité». Il recommande à l'UE d'imposer aux pays du sud de la Méditerranée de lutter contre la migration illégale et de coopérer aux retours des irréguliers pour bénéficier du soutien européen.