Ses funérailles furent organisées dans une semi- clandestinité à Alger. Il consacra sa vie aux justes causes. «Lorsque je parle de lui, j'éprouve un immense plaisir, il a le verbe facile, souriant, courageux et surtout discret. J'ai connu en lui pendant la période de détention, lors de la guerre de libération nationale, la générosité» dira Abderahmane Benhmida, ex-ministre de l'Education dans les années soixante en évoquant Mohamed Boudia, l'une des figures emblématiques de la guerre d'Algérie, homme de culture et aussi militant de la cause palestinienne. Ainsi, à l'occasion de la commémoration du 30e anniversaire de son assassinat à Paris, par le Mossad israélien, une rencontre-débat a été organisée samedi au théâtre national algérien (TNA) par la Fondation Casbah où plusieurs amis et proches du défunt étaient là venus raconter l'itinéraire de ce héros mythique et apporter par la même occasion des témoignages vivants à la jeune génération qui ne le connaît pas. Mohamed Boudia est un nom intimement lié à des faits importants de la lutte de libération. Il fut aussi celui qui créa la première revue culturelle algérienne au lendemain de l'indépendance Novembre, et relança le théâtre algérien. Après avoir terminé son service militaire en France, il fréquenta les milieux nationalistes et le théâtre. Dès le début de la guerre d'Algérie, il s'engagea à la fédération de France du Front de libération nationale. Malgré ses activités au sein du FLN, Mohamed Boudia est un infatigable agitateur, il ne s'est jamais séparé du théâtre, pour lui, la politique et le 4e art étaient deux entités liées. Preuve, pendant son incarcération en 1959, il écrit Naissance et L'olivier et traduit en arabe dialectal les quelques textes dramatiques français. Il adapta notamment Molière. Après le recouvrement de l'indépendance il exerça plusieurs fonctions et publia la revue culturelle Novembre et participa à la création du premier quotidien algérois Alger-ce soir. En tant que directeur du TNA, il contribua, avec l'incontournable Mustapha Kateb, en 1963 à la nationalisation du théâtre et à redonner au quatrième art, une certaine consistance. Comme le souligne un de ses amis, Hocine Zehouane, «Mohamed Boudia a été un des initiateurs à avoir organisé le premier colloque de la musique algérienne. Grâce à lui, et à bon nombre d'artistes, de nombreuses pièces de théâtre ont pu être montées», et d'ajouter «ce qui m'avait frappé en lui, c'est sa dimension d'homme de théâtre, à une époque où l'euphorie était à son comble. Il allait devenir un grand animateur du mouvement culturel» conclut-il. 1965 est une année marquée par deux faits importants, le premier est inhérent au «redressement» du 19 juin, poussant Boudia à l'exil en France. Le second événement est le fait que 1965 coïncide avec la naissance du mouvement national palestinien Fatah, et le début de la résistance palestinienne. Le militant du FLN devient l'un des grands stratèges de Fatah dont il épouse totalement la cause. Cela ne le détourne pas pour autant de ses activités culturelles où il occupa le poste d'administrateur du Théâtre de l'Ouest Parisien. Le 28 juin 1973, il est victime d'un attentat à la voiture piégée par des agents du Mossad -service du contre-espionnage israélien- Une bombe avait été placée dans sa Renault 16. Il repose depuis, au cimetière El Kettar. Ses funérailles furent organisées dans une semi- clandestinité à Alger .Aucun ministre ou responsable politique ne fit de déclaration. Selon ses amis, Mohamed Boudia a toujours souhaité mourir comme son idole, Ernesto Che Guevara qui a dit un jour. «Peu importe le lieu où la mort nous surprenne pourvu que d'autres mains se tendent pour empoigner nos armes».