M.Karim Ouaras, chercheur associé au Crasc d´Oran, a animé une conférence fort intéressante à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, jeudi dernier, au sujet du phénomène des graffitis en Algérie. Il s´agit d´un exposé inspiré des recherches effectuées par cet universitaire sur le terrain et ce, depuis plusieurs années. L´intervenant s´est intéressé à ce phénomène en prenant comme échantillon la wilaya d´Alger. Karim Ouaras n´a pas manqué de relever l´importance de ces graffitis qui constituent un moyen d´expression, non seulement de la jeunesse, mais aussi des citoyens de toutes catégories d´âge. «Contrairement à l´idée préconçue, il n´y a pas que les jeunes qui écrivent sur les murs», a-t-il souligné. Karim Ouaras a expliqué que les graffitis constituent des indices de mobilité discursive. L´universitaire a voulu, à travers ses recherches sur la question, savoir pourquoi on écrit ces textes sur les murs et pour exprimer quoi au juste? Pour lui, ces graffitis ne sont jamais anodins. L´orateur a précisé que l´on comprend mieux la complexité de la ville algérienne à travers ces graffitis. L´intervenant a déploré qu´en Algérie, on a toujours considéré la ville comme étant un espace physique à urbaniser «sans prendre en considération les forces qui régissent ces villes et comprendre leur dynamique». «Les aménageurs urbains projettent des modèles d´en haut sans penser si ces choix vont convenir en bas ou pas», ajoute l´orateur. L´universitaire a précisé qu´Alger est le creuset de la diversité algérienne. Il en veut pour preuve la variété des thèmes retrouvés sur les centaines de graffitis qu´il a recensés dans les quatre coins de la wilaya d´Alger. Le conférencier a précisé que les graffitis d´Alger ont trait à plusieurs domaines. Il existe des écrits ayant une relation avec la vie politique, l´identité amazighe, la religion, le sport... L´orateur a remarqué à travers ses recherches sur le terrain qu´il y a les portraits de trois personnages mythiques qui sont souvent peints par les graffiteurs, à savoir Bob Marley, Matoub Lounès et Che Guevara. Karim Ouaras a expliqué cela par le fait qu´il s´agit de personnages très présents dans l´imaginaire collectif et les graffiteurs, en les peignant sur des mûrs, font un travail d´identification à ces icônes. Le conférencier considère que ces graffitis sont à prendre sérieusement en considération car ils reflètent une expression profonde du peuple. «C´est un phénomène à étudier de près et à partir duquel il faudrait tirer des leçons», a ajouté Karim Ouaras. Ce dernier a précisé que les graffitis sont le miroir des spécificités sociales et identitaires de chaque zone. A titre d´exemple, à Baïnem, une région à forte concentration kabyle, la majorité des graffitis ont trait à l´identité amazighe. Et de conclure que ces graffitis sont un espace de communication certes, anonyme mais qui est le reflet des réalités profondes de la société. Rappelons que cette conférence a été initiée par la direction de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou dans le cadre des échanges avec le Crasc d´Oran. Plusieurs autres chercheurs de ce centre de recherche qui publie la revue Insaniyat, étaient à Tizi Ouzou et ils y ont animé des communications durant la même journée. Ainsi, Saad Eddine Fatmi, enseignant à l´université de Mascara a fait une conférence sur «la bande dessinée et la caricature, des frontières étanches». Hadria Dadoua, chercheur permanente au Crasc, est intervenue sur les prénoms de Mostaganem, leur mode d´attribution et leur signification. De son côté, Mustapha Ali Ben Chérif a décortiqué la question des proverbes. Enfin, Belkacem Boumedini a animé une conférence sur «la langue dans la chanson rai-rap». Les chercheurs du Crasc d´Oran ont terminé la journée avec une visite de la maison natale de Abane Ramdane au village Azzouza (Larbaâ Nath Irathen).