Le chef de la diplomatie française risque de réveiller les démons de l'Histoire. «Nous avons pris la résolution de ne pas nous engager dans un processus de repentance généralisée.» Art de la provocation ou complexe historique? La France officielle tente de tourner le dos à son passé colonial qui, pourtant, la poursuit éternellement. Encore une fois, les dirigeants français qualifient les appels à la repentance de la France sur sa colonisation en Algérie de «ressassement». Par le biais du ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, Paris annonce que les Français n´étaient «pas prêts» à la repentance sur leur passé colonial. Lors d´une conférence de presse co-animée jeudi dernier à la résidence El-Mithak avec Mourad Medelci, Alain Juppé avait clairement appelé les Algériens à sortir de «ce ressassement éternel» du passé colonial de la France en Algérie. «Si on pouvait sortir un petit peu de ce ressassement éternel du passé pour voir ce que la France et l´Algérie peuvent faire dans un monde qui est en plein changement (...) je pense que cela serait bien mieux que de s´interroger à nouveau sur ce qui s´est passé il y a un siècle, il y a 40 ou même 50 ans», a-t-il ironisé. Ne s´arrêtant pas là, il affirme que les Français ne sont pas prêts à se repentir. «En France, aujourd´hui, nous avons pris la résolution de manière générale de ne pas nous engager dans le processus de repentance généralisée», a-t-il tranché. Selon M.Juppé, cette position de la France «est claire de part et d´autre...) Nous sommes des hommes tournés vers l´avenir», a-t-il enchaîné. Cette position n´est pas nouvelle. Ce qui compliquera beaucoup plus le dossier, du côté algérien notamment, est le fait de qualifier le dossier en question «d´éternel ressassement». M.Juppé s´est contenté de rappeler les déclarations faites par le président Nicolas Sarkozy qui a dénoncé, à Alger en 2007, le système colonial «injuste par nature», a-t-il dit. Et d´insister: «Mais aller au-delà, jusqu´à la repentance, je pense que c´est quelque chose à laquelle nous ne sommes pas prêts parce qu´il faut tenir compte à ce moment-là, de beaucoup de considérations historiques qui compliquent beaucoup les choses.» De telles déclarations nous renseignent bien sur le caractère des relations politiques entre les deux pays. M.Juppé rejette l´idée selon laquelle il existe des «sujets qui fâchent» entre Alger et Paris. Et pourtant! Sur le plan politique, Alger et Paris divergent sur plusieurs questions. Sur le dossier du Sahara occidental, la France réitère, à chaque occasion, son soutien au plan d´autonomie présenté par le Maroc aux Sahraouis. Or, l´Algérie soutient le principe du droit des peuples colonisés à l´autodétermination. Sur la question de l´Union pour la Méditerranée, Alger ne cache pas sa réticence sur un tel projet. Les deux capitales ne partagent pas le même point de vue. A propos de la question des achives de la période coloniale, «la coopération» reste au stade de projet. Pour preuve, il a indiqué l´existence d´un groupe de travail bilatéral qui «va mettre sur la table cette question litigieuse». Le dossier relatif aux essais nucléaires français dans le Sahara algérien reste toujours en stand-by. Même politique. Il annonce la mise en place d´un groupe de travail appelé à dresser un constat sur la contamination nucléaire dans le Sud de l´Algérie et «qui fait son chemin» sur le dossier en question. A la lumière de ces données, les dossiers politiques sont en instance. Des promesses, des projets et rien de concret. La priorité pour la France est bien évidemment le dossier économique. C´est un dossier qui est bien porteur pour l´économie et les entreprises françaises. Depuis la nomination de Jean-Pierre Raffarin à la tête de la délégation économique, plusieurs accords ont été signés, en quelques mois seulement, dans 9 secteurs d´investissements. Comme preuve que la volonté politique a donné ses fruits sur le volet économique et non pas sur le plan politique. Dans un autre registre, les déclarations de Juppé peuvent trouver une explication électoraliste. Cette déclaration constitue un enjeu important sur la scène politique française qui est d´ores et déjà en pleine campagne électorale avant l´heure. Contrairement aux déclarations de son homologue français, M.Medelci affirme que les deux pays sont favorables à une relation «encore plus forte» pour pouvoir soutenir la coopération bilatérale et permettre aux deux pays de jouer leur rôle sur la scène internationale. Pour M.Medelci, le programme de coopération pour la période 2007-2011 devra permettre de préparer le prochain programme quinquennal de coopération bilatérale algéro-française 2012-2016. Le ministre a, par ailleurs, fait savoir que la dimension humaine dans les relations algéro-françaises avait été «au centre» des débats dans le but, a-t-il dit, de «faciliter les déplacements des ressortissants des deux pays». Sur ce point, il a fait savoir que les deux pays étaient d´accord pour que les efforts consentis dans ce domaine puissent se consolider davantage, notamment à travers l´adaptation des vieux accords de 1968.