Le gouvernement de Khartoum a signé, jeudi, à Doha, un accord de paix avec un groupe rebelle du Darfour, une région de l'ouest du Soudan en conflit depuis 2003, en l'absence du principal mouvement rebelle. Le «Document pour la paix au Darfour» a été conclu entre le gouvernement du président Omar El Bechir et le Mouvement pour la libération et la justice (MJL), une coalition de petits groupes rebelles sans capacité de nuisance sur le terrain, lors d'une séance publique dans la capitale du Qatar. Le Soudanais El Bechir, l'émir du Qatar Hamad ben Khalifa al-Thani et les présidents du Tchad, d'Ethiopie, du Burkina Faso et d'Erythrée étaient présents à la signature de cet accord obtenu après plusieurs mois de négociations difficiles parrainées par l'Union africaine, l'ONU et la Ligue arabe. Mais le Mouvement pour la Justice et l'Egalité (JEM), le plus militarisé des groupes rebelles du Darfour, qui a participé à une partie des négociations, a refusé de signer, rendant aléatoire sa mise en application. D'ailleurs le JEM, présent à Doha, a aussitôt rejeté l'accord. «Ce n'est pas un accord de paix, c'est un accord de distribution d'emplois qui offre des positions à ceux qui le signent et ne résout pas les véritables problèmes du Darfour», a déclaré le porte-parole du JEM, Gibril Adam. Selon M. Adam, les questions fondamentales comme les violations des droits de l'Homme, le partage du pouvoir et des richesses, le jugement des «criminels» et la compensation aux habitants du Darfour affectés par huit ans de conflit, n'ont pas été réglées. «Nous avons refusé de signer le document tel quel», a-t-il dit. Quant à la nomination d'un vice-président originaire du Darfour, «ils disent que ce sera un membre du parti présidentiel. El Bechir va nommer un de ses proches, ce à quoi le JEM s'oppose», a-t-il encore dit. Vaste région de l'ouest du Soudan, le Darfour est en proie depuis 2003 à une guerre civile qui a fait 300.000 morts selon les estimations de l'ONU - 10.000 selon Khartoum - et 2,7 millions de déplacés. Un troisième groupe rebelle du Darfour, celui du chef Minni Minnawi, n'avait pas participé aux négociations de Doha. Il avait appelé en février tous les mouvements armés dans cette région à renforcer leur lutte contre le gouvernement. Minni Minnawi avait été en 2006 le seul ténor de la rébellion à signer l'accord de paix du Darfour après de fastidieuses négociations au Nigeria. Mais ses relations avec le pouvoir se sont dégradées et des heurts ont opposé ses partisans à l'armée à plusieurs reprises depuis décembre dernier. La rébellion darfourie est actuellement scindée en plusieurs blocs, ce qui a compliqué les pourparlers de paix: le MJL, le JEM, l'Armée de libération du Soudan (SLA) d'Abdelwahid Nour qui refuse de se joindre au processus et le groupe Minnawi. Lors de la cérémonie de signature, M. Bechir a salué «les partenaires dans l'accord de paix» et appelé le MJL à soutenir «les efforts de développement et de reconstruction» de la région dévastée. Il a aussi critiqué les «efforts de ceux qui, en revanche, agissent pour accentuer la crise (...)». Le leader du MJL, Al-Tijani Al-Sisi, a de son côté défendu l'accord en disant avoir «accompli ce qui était requis de nous par notre peuple au Darfour», tout en soulignant la difficulté de mettre en application l'accord. M. Bechir, sous le coup de mandats d'arrêt internationaux pour génocide et crimes contre l'humanité au Darfour, continue néanmoins de voyager sans s'inquiéter.