Une passerelle a été aménagée pour être empruntée par les piétons. Un gamin de neuf ans l'évite mais ne peut éviter la voiture qui roulait... L'avocat, ça défend énormément. Ça défend à tout-va! Ça défend une victime, un voleur, un sniffeur, un violeur, un casseur, un gêneur de tourner en rond et même un assassin qui a prémédité son coup! Coup sur coup, cette semaine, Maître Mohamed Djediat a défendu un auteur d'accident et une victime d'un... accident. Dans les deux cas, l'avocat de Patrice Lumumba a eu à dégainer à temps. Il a vu juste. Il a joué et il a gagné. Sobrement sans fanfaronnade ni tambour, le défenseur avait la lourde responsabilité de tirer du bourbier Samir R, dix-neuf ans et dix mois le jour du procès, qui avait bousculé un gosse qui traversait une route à vingt mètres de la passerelle du coin. Ayant parcouru le dossier, Maître Djediat avait décelé plusieurs zones d'ombre que les éléments de la Police judiciaire avaient négligées. Il n'en soufflera mot à personne, même pas au papa qui l'a constitué! Parcourant les faits, le conseil a appris que le gosse J. F. neuf ans, avait traversé la chaussée où une circulation infernale subsistait toute la journée et ce, jusqu'après vingt heures, l'heure de l'appel de la prière d'El Maghreb. Mais il a aussi appris que depuis le lieu où le gosse avait été bousculé et la passerelle aménagée depuis 1984, il n'y avait que près de vingt mètres. Ainsi l'avocat venait de marquer un point important qu'il développera face à Hadj Rabah Barik le président de la section correctionnelle du tribunal qui avait, lui aussi, dû relever ce détail que les enquêteurs avaient signalé mais pas souligné, ce qui est en soi une omission peut-être involontaire. Par contre, le procès-verbal mettait en exergue le geste du jeune conducteur qui s'était arrêté dès qu'il a constaté la catastrophe. Il était revenu, chargeant le gamin à l'arrière du véhicule et l'emmenant à l'hôpital aux urgences. Ce détail aussi sera exploité par l'avocat qui allait plaider à l'aise. Mieux. Dans le dossier, il n'y avait ni délit de fuite ni la présence dans le sang de la moindre goutte d'alcool pouvant l'enfoncer. Les débats auront été sereins. Mieux, grâce au silence sensé de Malek Drissi, le procureur bien installé dans une salle agréablement climatisée mais mal sonorisée, l'avocat de Samir n'avait pas un seul prétexte pour répliquer ni s'écrier, donc s'énerver. Beaucoup plus près des vacances que des rappels à l'ordre, Barik le juge avait rehaussée l'intérêt du dossier en «grondant» au passage l'inculpé à qui il avait reproché les 70/km à l'heure: «En ville, jeune homme, on doit rouler à près de 30 kmh!» avait conseillée le magistrat laissant le soin à Maître Djediat de s'en prendre au tuteur du gamin qui n'a jamais été initié au fait d'emprunter la passerelle: «Monsieur le président, la défense s'offusque que des pères de famille n'attirent jamais l'attention de leurs rejetons en vue d'emprunter ces passerelles aménagées à gros frais.» Ici, c'est plutôt l'avocat de la wilaya qui s'exprimait, tant mieux! En mettant en examen le verdict, le président qui attend avec impatience son congé pour une petite virée du côté de La Mecque, aura réussi à maintenir le suspense, et toutes les parties l'ont ressenti. A Dieu va!