A l'approche du mois sacré, les prix s'envolent Par un désengagement progressif, l'Etat ne semble plus avoir d'emprise réelle sur les marchés ni sur les prix pratiqués. Une rapide virée au marché de Kouba, qui n'est certes pas une référence ni pour les prix ni pour les approvisionnements au vu de sa taille et son achalandage, nous renseigne un tant soit peu sur la situation du marché des fruits et légumes en cette veille du mois sacré de Ramadhan. Hormis l'affichage des prix des denrées proposées, quelques échanges avec des vendeurs nous renseignent sur les prévisions des mercuriales. Seront-elles brûlantes ou supportables? A vous d'en faire la déduction en constatant que la tomate, reine de la cuisine de par son emploi dans la «chorba», caracole à 60/70 DA/kg contre à peine 30/40 en 2010. La courgette, autre légume «maître» dans cette fameuse soupe, culmine à 70 DA/kg pour le premier choix alors que l'aubergine avoisine 50 DA/kg pour une qualité similaire. On peut citer également, la pomme de terre des sols rougeâtres du Nord qui est vendue à 40 DA/kg alors que celle provenant du sud du pays est cédée à 45 DA/kg pendant que les tubercules de meilleure qualité, assure l'un de nos interlocuteurs, sont destinés à l'exportation tout en exprimant une moue significative «euro oblige!». Le haricot vert, légume peu apprécié pendant le Ramadhan, est quand même cédé à 130 DA/kg; suit le poivron vert à 70 DA/kg. On peut citer les poireaux, un autre légume peu usité en cette période de chaleur, mais nécessaire à certaines personnes malades ou âgées, qui atteignent 180 DA/kg. Les gourmets trouveront des bottes de radis offertes à 30 DA l'unité. Toutefois, à travers ces quelques échanges avec des clients et vendeurs, l'on déduit que «place est à la quantité» un leitmotiv qui incite désormais le commerçant en alimentation à ignorer une certaine déontologie en la matière, à savoir le rapport qualité/prix qui la régit. Il est utile de signaler les prix de quelques composants pour confectionner aussi bien des gâteaux que certains plats présents sur quelques étals. On peut citer les «diouls» offerts à 50 DA la douzaine, la boule de «ktaïf» à 30 DA, la «rechta» et le couscous roulé main, respectivement à 100 DA/kg et 90 DA/kg. Si certains prix étaient plus bas l'an dernier, à la même époque, pour ce qui est des fruits et légumes, cela est dû à une période plus fraîche donc à une plus grande disponibilité de produits, nous confie un sexagénaire-marchand qui ne s'étonne guère de la flambée des prix qu'il observe régulièrement «depuis, dit-il, plus de 30 ans qu'il exerce ce métier (...) La loi de l'offre et la demande ici prend toute sa signification pendant le Ramadhan. Elle se justifie pleinement, car la demande est souvent supérieure à l'offre pendant ce mois», nous explique calmement ce vendeur aguerri et bien au fait des règles du marché. «Les produits de large consommation seront disponibles durant le mois de Ramadhan prochain (1432/2011) et le marché sera bien approvisionné,» c'est là une promesse faite par le premier responsable du commerce, Mustapha Benbada, du reste maintes fois réitérée et toujours à quelques jours du mois de Ramadhan. Les médias, à l'affût de scoops «alimentaires», se sont vite appropriés de l'information pour rappeler tous les déboires auxquels sont livrés les citoyens chaque année au cours de cette période particulière, il faut le dire, de «grande bouffe». Les barons du commerce, informel surtout, guettent eux aussi, le marché pour mieux l'investir. Ils seront pour cela assistés par les spéculateurs de tous bords qui se complaisent dans un marché que la pratique de l'informel a réduit à sa plus simple expression. Suite à son désengagement progressif, l'Etat ne semble plus avoir d'emprise réelle sur les marchés ni sur les prix pratiqués. L'armada des contrôleurs des prix opérant sur le terrain (1000) et à recruter (7000) d'ici 2013, aura du pain sur la planche pour gagner un pari qui semble perdu d'avance Aussi, à 10 jours à peine du mois sacré, le citoyen «tient son ventre», sans jeu de mots, concernant les prix et la disponibilité des produits agricoles et alimentaires d'une façon générale. De son côté, le ministère de l'Agriculture assure que «le marché est bien approvisionné, les produits sont disponibles en quantité et les prix sont plus ou moins abordables», avait déclaré il y a quelques jours, le directeur de la régulation et du développement des productions agricoles au ministère de l'Agriculture et du Développement rural (Madr), Youcef Redjam Khodja à la Radio nationale. Bien qu'il n'ait pas parlé des prix au détail des principales victuailles usitées durant ce mois pour la confection de certains plats traditionnels, il a énoncé quelques chiffres concernant le volume des produits de saison qui seront mis sur le marché. Ces précisions semblent salutaires en cette période de grandes chaleurs. Pour la tomate, incontournable dans la préparation de la «chorba» ou la «h'rira» 130.000 tonnes, a-t-il dit, seront mises sur le marché durant le mois de jeûne. Les autres produits qui composent les plats du «f'tour» seront également mis en vente comme la courgette 48.000 t, les haricots 11.000 t et la laitue 26.000 t. Quant au légume le plus consommé par les Algériens, à savoir la pomme de terre, il a tranquillisé les ménagères en rappelant que le marché de ce tubercule est complètement régulé depuis 2008, grâce au système de régulation des produits agricoles de large consommation (Syrpalac). Pour rappel, le Syrpalac intervient dans la régulation du marché en stockant les surplus de production de certains produits locaux de saison comme la pomme de terre, l'ail et l'oignon, et les céréales issues de la production nationale. Outre la protection du pouvoir d'achat des consommateurs, le Syrpalac vise à protéger les revenus des agriculteurs et à rationaliser les importations. Le secteur des viandes rouges et blanches constitue sans aucun doute le bât qui blesse lorsqu'on sait qu'une «chorba» sans viande reste insipide pour le jeûneur. Cependant, rassure-t-on également au niveau du Madr, où l'on annonce l'importation de quantités suffisantes de viande congelée à laquelle viendront s'ajouter «4000 tonnes de viande ovine congelée d'origine locale qui sera mise pour la première fois sur les étals des marchés à un prix avoisinant les 600 DA/kg». Le même responsable a précisé que cette viande ovine, issue de la production nationale, sera vendue à travers plus de 300 points de vente dans 40 wilayas. Plus de 22.000 tonnes de viandes rouges ont été importées, a-t-il dit ajoutant que «l'on n'attend pas la veille du Ramadhan pour prendre nos dispositions, c'est un travail à long terme qui s'inscrit dans la durée». Il devait ajouter que plus de 14.000 taurillons destinés à la boucherie ont été importés, soit 3000 tonnes de viande fraîche, annonce le même responsable. Pour ce qui est de la viande blanche, Khodja expliquera qu'«un stock de 10.000 tonnes de viandes blanches a été constitué, soit le double de l'année 2010». Comme l'année dernière, le poulet congelé issu de la production locale sera cédé à un prix de 250 DA/k à travers 286 points de vente dans les 48 wilayas du pays. Allant plus loin dans les assurances données, Khodja a affirmé que «le lait sera disponible et on a pris nos dispositions pour parer à toute mauvaise surprise». «Les pouvoirs publics ont décidé d'augmenter de 15% les quotas de poudre de lait des transformateurs pendant le Ramadhan pour hisser la production de lait pasteurisé en sachet à 5,2 millions de litres/jour contre 4,5 millions de litres/jour actuellement». Il a signalé qu'il faut ajouter à cette poudre de lait, «un apport de 1 million 300.000 litres de lait cru par jour ajoutant que 50 millions de lait cru sont collectés chaque mois,» ce qui permet un apport de 30% dans la production globale. Pour les céréales, l'augmentation des quotas des semouliers et des minotiers à hauteur de 10% va permettre également d'augmenter la quantité des produits à base de blé dur et de blé tendre. «Le niveau de nos stocks permet une couverture pour plusieurs mois, même en majorant de 10 à 15% la production», a certifié Redjam Khodja qui indique que «les 152 semouleries du pays produisent 110.000 quintaux/ jour de semoule alors que 160.000 q/jour de farine panifiable sont prévus».