Jugé policé et sans éclats, le débat entre socialistes français pour leur primaire en vue de la présidentielle de mai 2012 a confirmé la position de favoris de François Hollande et Martine Aubry, selon la plupart des commentateurs. La presse soulignait ainsi hier que les candidats avaient réussi à se démarquer sans se déchirer et que le Parti socialiste en sortait renforcé. «Le PS jouait gros, hier soir. Il a plutôt réussi», relevait ainsi le Midi libre, un quotidien du sud de la France, au lendemain de trois heures de débat. François Hollande, Martine Aubry, Ségolène Royal, Manuel Valls, Arnaud Montebourg et Jean-Michel Baylet (président du petit parti des radicaux de gauche) ont remporté un succès d'audience. Près de cinq millions de téléspectateurs ont suivi l'émission en première partie de soirée. Une confirmation de l'intérêt des Français pour la primaire socialiste, initiative inédite, ouverte à tous les sympathisants de gauche et qui doit désigner les 9 et 16 octobre le candidat qui défiera le président Nicolas Sarkozy en avril et mai prochains. Ce dernier, de retour de Libye où il a été accueilli en héros, a ironisé hier sur le débat, affirmant qu'il était rentré trop tard pour le voir, mais le résumant d'une formule: «qui veut dépenser plus?». Les propos sont restés longtemps consensuels et sans surprises. La crise économique a dominé les débats, les candidats expliquant leurs solutions, souvent assez voisines, pour redresser les comptes publics mais aussi pour financer leurs priorités. Jeudi soir, les six candidats ont su «éviter affrontements et cacophonie qui auraient été préjudiciables à la crédibilité des protagonistes», résume le quotidien Républicain lorrain. Il a fallu attendre la toute fin de l'émission pour que François Hollande et Martine Aubry, les deux favoris, se livrent à quelques escarmouches. C'est Mme Aubry, qui s'est mise en congé de la direction du PS le temps de la campagne, qui est passée à l'offensive en demandant à son rival et prédécesseur à la tête du parti de la «clarté» sur le nucléaire, et en estimant qu'on ne pouvait promettre aujourd'hui d'arriver à zéro déficit public en 2017 comme le dit François Hollande. Grand favori des sondages, François Hollande avait le plus à perdre dans le débat. Ayant longtemps souffert de son image d'apparatchik mou, il a voulu se montrer combatif et n'a pas hésité à bousculer le journaliste qui l'interrogeait. Pour le politologue spécialiste du PS Gérard Grunberg, François Hollande, «très à l'aise médiatiquement» est sorti «gagnant». Martine Aubry, «n'a pas été mauvaise mais pas fondamentalement dans un positionnement présidentiel, un peu trop technique». Un peu vague dans ses formulations, meilleure dans l'affrontement direct, Ségolène Royal n'a pas renouvelé sa performance de 2006. Lors de débats face à Dominique Strauss-Kahn et à l'ex-Premier ministre Laurent Fabius, elle avait réussi à gagner en crédibilité pour s'imposer dans une primaire qui était alors réservée aux seuls adhérents du parti. Face aux trois favoris, les outsiders ont mis en avant leur spécificité: à la gauche de l'échiquier, Arnaud Montebourg a plaidé pour la démondialisation, un «protectionnisme européen» et «la mise sous tutelle des banques». A la droite du parti, Manuel Valls a évoqué «le plus grand redressement à faire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale». Quant à Jean-Michel Baylet, il s'est distingué sur les questions de société, comme la légalisation du cannabis et le débat sur l'euthanasie, plaidant pour le droit à mourir dans la dignité. La modération des échanges et le relatif succès d'audience laissent présager une participation importante à ces primaires qui seront ouvertes à tous les électeurs se reconnaissant dans les valeurs de la gauche. Selon un sondage publié cette semaine, 18% des Français se disent certains de participer à la primaire, soit environ huit millions d'électeurs. Les responsables socialistes espèrent plus d'un million d'électeurs.