Première présidente élue d'Afrique, Ellen Johnson Sirleaf, en quête d'un 2e mandat lors de la présidentielle de mardi au Liberia, lauréate du prix Nobel de la paix pour ses efforts en vue de reconstruire une nation ravagée par 14 ans de guerre civile, est critiquée dans son propre pays. Mme Sirleaf, 72 ans, est entrée dans l'Histoire en devenant en 2005 la première femme élue chef de l'Etat sur le continent africain, à la tête d'un pays de quatre millions d'habitants traumatisé par des guerres civiles qui, de 1989 à 2003, ont fait quelque 250.000 morts, détruit ses infrastructures et son économie. Hier, elle a reçu conjointement avec sa compatriote pacifiste Leymah Gbowee et la Yéménite Tawakkol Karman, le prix Nobel de la Paix. Elles ont été récompensées «pour leur lutte non violente en faveur de la sécurité des femmes et de leurs droits à participer aux processus de paix». Dès son investiture en 2006, Ellen Johnson Sirleaf entreprend une opération de charme auprès des institutions financières internationales qui la connaissent bien: économiste formée à Harvard, cette mère de quatre enfants et grand-mère de onze petits-enfants a travaillé pour l'ONU et la Banque mondiale. Ministre des Finances des présidents William Tubman et William Tolbert dans les années 1960 et 1980, son objectif est d'effacer la dette et d'attirer les investisseurs pour la reconstruction, ce qu'elle a en partie obtenu. La lutte contre la corruption et pour de profondes réformes institutionnelles dans la plus vieille République d'Afrique subsaharienne, fondée en 1822 par des esclaves noirs affranchis venus des Etats-Unis, a toujours été au coeur de son action politique. Ce combat, d'où elle tire son surnom de «Dame de fer», lui a valu d'être envoyée deux fois en prison dans les années 1980 sous le régime de Samuel Doe. Mais la tâche est ardue, tant le Liberia est gangrené par les scandales de corruption et miné par les profondes déchirures issues des guerres fratricides. Dans son pays, on lui reproche de ne pas avoir tenu ses promesses en matière économique et sociale et, surtout, de ne pas s'être suffisamment impliquée en faveur de la réconciliation nationale. Elle a jusqu'à maintenant ignoré un rapport de la Commission Vérité et Réconciliation datant de 2009 qui la cite comme l'une des personnes ne devant pas occuper de postes officiels pendant 30 ans pour avoir soutenu l'ancien chef de guerre Charles Taylor, président de 1997 à 2003. Elle a reconnu avoir soutenu au départ la rébellion de Taylor contre le régime de Samuel Doe en 1989, qui plongea le Liberia dans sa première guerre civile, mais est ensuite devenue, à la lumière de l'étendue des crimes de Taylor, une de ses plus farouches adversaires. Elle avait annoncé juste après la publication de ce rapport qu'elle briguerait un second mandat, bien qu'ayant dit le contraire auparavant. Pour justifier ce revirement, elle a affirmé qu'elle souhaitait poursuivre son action de reconstruction, car son pays a «encore un long chemin à parcourir», même si elle dit avoir «réussi à remettre sur pied bon nombre d'infrastructures».