La pièce évoque le retour des Palestiniens sur la terre de leurs aïeux Un monodrame pour dire le droit à la liberté et à la paix et un spectacle ode à la tolérance et l'amour sans frontières. Le Festival international du théâtre d'Alger a accueilli vendredi dernier au niveau du TR régional de Béjaïa, trois pièces théâtrales en sa première journée. La Palestine était à l'honneur à la petite salle, avec un touchant monologue plaidant pour la cause palestinienne. La Maison de la culture quant à elle abritait, une fois n'est pas coutume, une pièce de théâtre venue de l'Arabie Saoudite. Mise en scène par Yahia El Bachatoui d'après le roman du célèbre écrivain et militant Ghassan Kanafani, le monodrame palestinien évoque l'histoire de Abou Khaled (Saïd Abou Kem) qui retourne en 1967 de Ramallah à sa maison à Haifa, maison qu'il a dû quitter précipitamment en 1948, laissant derrière lui un fils, alors bébé, âgé à peine de cinq mois, prénommé Khaldoun. Plus tard, face à son père et sa mère, il revoit ses parents, froids et distants. Vêtu d'habit de soldat, il exerce dans l'armée israélienne. Ironie du sort. Son autre frère Khaled serait sur le point de rejoindre la rébellion pour défendre sa patrie. Ardent et doté d'une incroyable aisance sur scène, le comédien parvient à incarner moult personnages; celui du père, de l'officier de police et même son fils parlant avec un accent hébreu. Le tourment du peuple palestinien est décliné sous nos yeux impuissants. Le charismatique comédien nous introduit au coeur de cette dramatique histoire. Au milieu de deux strapontins, comme refuge et éléments de décor, il parvient à tenir en haleine le public qui accueille chaleureusement cette production théâtrale. C'est d'ailleurs sa troisième présentation en Algérie en à peine deux ans. L'atmosphère macabre accueille d'emblée le spectateur dès son entrée en salle. Le Coran est diffusé dès l'entame de la pièce, mettant le public face à cette accablante réalité du peuple palestinien qui peine à récupérer sa terre, et retrouver l'odeur de ses arbres, sa mer, Haïfa, la terre des origines. Condamné à divaguer comme une âme en peine et à rêver au retour avec comme arme massive la poésie de combat de Marcel Khalifa et de Mahmoud Darwich. Des mots, un engagement en qui croire quand on a tout perdu. Ce droit au retour des exilés palestiniens est au centre du conflit israélo-palestinien aujourd'hui. Revendiqué par les Réfugiés palestiniens qui ont fui le conflit ou qui ont été chassés et pourtant, garanti par la résolution 194 des Nations unies - adoptée le 11 décembre 1948- ce droit reste bafoué jusqu'à nos jours. Ce monodrame, nous informera l'acteur, a été présenté une cinquantaine de fois soit à l'intérieur soit en dehors de la Jordanie. Evoquant le Printemps arabe, notre interlocuteur ne s'étonne guère car cela devait arriver depuis 30 ans. «Ces jeunes qui sont sortis dans les rues sont mes enfants. Le peuple arabe y compris palestinien a donné beaucoup pour ces révolutions, et ce, depuis longtemps. Il est temps que les traîtres soient jugés, bien que je suis contre l'écoulement de sang. La grande cause en vérité n'est pas arabe ou palestinienne c'est une affaire qui concerne l'humanité. Nous sommes contre les divisions mais pour le rassemblement des peuples, a fortiori du peuple palestinien. Le temps est au changement.» Dans un autre registre, la grande salle du théâtre régional Malek-Bougermouh accueillait en soirée, devant un public venu en masse, une pièce de théâtre signée par une compagnie théâtrale allemande. Le nom de la pièce: Le meilleur de l'amour. Tout un programme. Celle-ci met en scène deux individus de couleur de peau, de nationalité et de religion différentes qui tombent amoureux l'un de l'autre lors d'une rencontre fortuite dans un marché au Maroc, se marient, auront un bébé qui meurt, puis se séparent, poussés par les parents et les amis de la femme. Elle est allemande, lui un Maghrébin musulman, orphelin de père et de mère, qui décide d'inviter un jour de Ramadhan cette fille à dîner puis de sceller leur union. Mais l'entourage social et le conformisme des mentalités, la ségrégation et l'intolérance auront raison de leur amour. Dans un ultime sursaut d'amour pour cette fille, le garçon part la voir chez elle. Elle partage désormais son appartement avec un colocataire. Lui il l'aime éperdument et veut regagner sa confiance, alors qu'elle, jure qu'elle est heureuse sans lui. S'ensuivent des tirades à n'en pas finir. Lui en français, elle en langue allemande. Bien que celle-ci soit bien obscure à nos oreilles, le sujet décliné par cette pièce, bien universel, ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd. «Pourquoi me rejette-t-elle? pourquoi me repousse-t-elle, met-elle de la distance? Non je ne me suis pas enfui, surtout pas de moi-même. Je n'ai pas renié ma culture. Pourquoi renonces-tu à tes rêves en rejetant la faute sur moi? J'aurais dû t'emmener d'ici, je maudis le jour où je suis venu ici, la différence, trouver sa place...». Soliloque cet homme en s'adressant à cette femme qui se tord par moment selon une gestuelle propre à la danse contemporaine. Une façon pour exprimer son étouffement, sa résignation, sa souffrance. Quand la communication se brise, l'un porte un masque pour feindre l'indifférence ou marquer l'instant de la parole, suggérer l'autre qui peut être chacun de nous. L'amour comme étendard, il virevolte, se déchaîne pour mieux se retrouver à la fin. Il est presque comme ce troisième personnage, ce long pan de tissu orange autour duquel la comédienne s'enroule, s'étire en tentant désespérément de le récupérer tandis que l'autre tente de s'en accaparer. «L'amour ne cherche pas à être possédé mais ne prend que de lui-même car l'amour c'est l'amour», avoue le comédien. Beaux tableaux où l'émotion est appuyée tantôt par ces notes de piano qui viennent créer des haltes dans le souffle de ces êtres éplorés ou ce chiffon comme symbole de retrouvaille et de déchirement. Poésie, chant, contorsions physiques, les ingrédients artistiques pour cette pièce ne manquaient pas pour faire de cette oeuvre une délictueuse et si touchante comédie humaine. De la comédie de l'amour qui se joue de nous, de la vie à la scène.. Belle leçon d'altruisme et de générosité à fleur de peau envers les couples métis. Car l'amour n'a pas de nationalité et ne souffre d'aucune langue si ce n'est par du partage et du don de soi. La vue de cet homme et de cette femme se retrouvant face à face, en bas de la scène, au milieu du public, se regardant l'un dans l'autre pour regagner la scène au final, est le clou de ce fantastique spectacle attendrissant.