Latente depuis plusieurs années, l'opposition Anigo-Deschamps apparaît maintenant au grand jour. Les deux techniciens de l'Olympique de Marseille s'affrontent à visage découvert. Cette lutte fratricide divise le club, ses supporters et fragilise un peu plus les joueurs... Que le titre de champion 2010 parait lointain... A l'époque, le slogan sonnait bien: «Tous différents, tous unis, tous OM.» Aujourd'hui, il fait sourire à Marseille. Car l'opposition Anigo-Deschamps a éclatés au grand jour. Et les beaux principes d'union et de fraternité ont volé en éclats. Aussi soudaine que violente, cette bataille des chefs menace sérieusement le club d'implosion. Les pro-Anigo font face aux défenseurs de Deschamps. Chaque camp ne veut rien céder. Pour arbitrer ce duel, Vincent Labrune doit prendre des gants. Non pas pour participer à la bagarre, mais pour agir avec discernement et objectivité. Pas facile. Sa sanction financière envers Anigo semble bien faible au regard de la virulence de la sortie médiatique de son directeur sportif. Mais pouvait-il aller plus loin? Un licenciement aurait littéralement mis le feu au stade car les supporters ont choisi leur camp. Celui d'Anigo. Anigo est toujours resté proche des fans marseillais. Et surtout ceux vivant dans la région marseillaise. Il entretient de très bonnes relations avec les dirigeants de chaque groupe de supporters. Vincent Labrune a bien compris cette proximité. C'est pourquoi il a confié à son directeur sportif un «rôle de relation avec les supporters.» Quand il faut apaiser la situation, c'est lui qui s'interpose. Lui aussi qui persuade les supporters de «ne pas jouer contre le club.» Anigo pense avoir fait le travail qui lui était demandé. «Devant les supporters, il y avait le président avec moi, précise le directeur sportif. J'essaye d'apporter une accalmie. Vous pouvez le vérifier auprès des groupes. Je n'ai jamais eu une parole à l'encontre de quelqu'un. Je suis serein. Personnellement, je peux me regarder dans une glace. J'aime trop ce club pour faire quelque chose à l'encontre de qui que ce soit. Beaucoup de fans de l'OM «exilés» ne comprennent pas son comportement trop méditerranéen. Il s'emporte trop souvent à leur goût. Et dessert le club. Mais vu du prisme local, c'est très différent. Il est issu des quartiers nord de Marseille, réputés très difficiles. Accéder à un poste de dirigeant à l'OM résonne comme une réussite sociale pour beaucoup. Joueur, entraîneur, directeur sportif: Anigo a su gravir les échelons dans le club de son coeur. Sa longévité force le respect en interne. Il a créé des liens forts avec les entraîneurs du centre de formation. Plusieurs joueurs de l'équipe première l'apprécient depuis longtemps. «Je suis là pour suivre mon coach, Didier Deschamps, explique André Ayew formé au club. Vous savez aussi que j'ai du respect pour toutes les personnes présentes au club. Tout ce qui m'est arrivé, c'est grâce à des personnes comme Pape Diouf ou José Anigo. Sans eux, je n'aurais peut-être jamais signé pro.» En face, Didier Deschamps ne joue pas sur la corde sensible. Il apparaît plutôt froid et réservé. Tout le contraire de son adversaire du moment. L'entraîneur de l'OM joue pour gagner. Pas pour plaire aux observateurs. S'il a du mal à faire partager ses émotions, Deschamps a tout de même baissé un peu la garde. Lundi après-midi, lors d'un point presse, il a paru réellement ému. Pour la première fois depuis qu'il est à Marseille, il a semblé vraiment touché. «Personne n'a le monopole de l'amour de l'OM, explique-t-il avec conviction. Si je suis venu ici et que je suis resté, c'est parce que j'aime ce club. Et je ferai tout pour que ce club obtienne les meilleurs résultats possibles.» Mais pour une majorité de Marseillais, Deschamps reste un «étranger». Et l'entraîneur marseillais jouit du soutien de Vincent Labrune, lui aussi ostracisé par les fans olympiens... Face à cette lutte de pouvoir, comment vont réagir les supporters mardi soir contre Lens en Coupe de la Ligue? Vont-ils à nouveau sortir des banderoles anti-Deschamps? Certains fans assurent avoir été choqués des propos employés par Anigo à l'égard de leur entraîneur. Ils ne seraient plus aussi enclins à dégoupiller contre DD. «Nous sommes indépendants, affirme sans sourciller un responsable de club présent dans le virage Nord. On dit que nous sommes à la solde d'Anigo, mais nous n'avons pas de maître! Nous sommes de grands garçons.» Ils tiennent aussi à démentir une rumeur selon laquelle l'OM... aurait payé les supporters pour se taire. «C'est du n'importe quoi», répondent-ils en coeur. A Marseille, les dissensions apparaissent à tous les étages. Et le slogan «Tous différents, tous unis, tous OM» semble bel et bien révolu...