La Révolution de Novembre 1954 a 57 ans. C'est peu! C'est beaucoup! Beaucoup, car c'est un événement unique qui donna à l'Algérie de récupérer son territoire, son identité, sa nationalité. En un mot, sa souveraineté. Peu, car il reste tant à faire pour atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés. Les mémoires des faits qui ont précédé et rendu possible cette reconquête de notre citoyenneté ont-elles été consignées et immortalisées pour que les générations post-indépendance sachent ce qu'a été le sacrifice d'hommes qui firent le serment de combattre pour que vive libre l'Algérie? «». Peut-il être assuré que le pourquoi pour lequel les Algériens de 1954 se sont soulevés contre l'oppression coloniale, en acceptant le sacrifice de leur vie, est désormais un fait établi, intégré au vécu quotidien, confirmé dans les moeurs du pays et du peuple: vivre libre et bénéficier de tous les droits afférents à cette liberté? Le fait même qu'une telle question puisse être posée en 2011, à l'aube de la sixième décennie de la Révolution nationale, est que les objectifs que se sont assignés les auteurs de la Proclamation du 1er Novembre n'ont pas été, peu ou prou, atteints. Or, c'est dans l'esprit de rétablir le citoyen dans ses droits que des Algériens ont pris les armes en 1954. Faire accéder le peuple à la dignité, à la démocratie, à la liberté de dire et de faire, aux droits dont, en général, ils ont été dépossédés par la colonisation et par les colons qui les ont réduits au générique méprisant d'«autochtones». Des gens de seconde zone, pour lesquels a été créé l'ignoble «deuxième collège» et le sinistre code de «l'indigénat» précurseur de l'apartheid. Aussi, vivre donc libre, est celle-la la signification première du 1er Novembre et de l'Algérie qu'il voulait symboliser. Or, solliciter de vivre libre était une idée à tout le moins curieuse pour les Français qui nous «offraient» la «civilisation». Nous écrivons «Algériens», or, à cette époque, la France impériale ne nous reconnaissait pas cette qualité, à défaut d'avoir pu nous «assimiler», nous enfermant en revanche dans l'infâme notion d'«indigène». Or, si en 2011, nous avons récupéré notre indépendance, avons-nous pour autant recouvré notre identité, sommes-nous, pour autant, plus libres que ne l'étaient nos pères avant 1954? Les pages glorieuses de la Révolution de Novembre auront-elles été écrites en vain, si la reconquête de notre identité usurpée et interdite par le colonialisme, la restauration de nos libertés et la reconstruction de notre citoyenneté, n'auront au final bénéficié qu'à une nomenklatura qui a accaparé le fruit du combat de millions d'Algériens? Au moment où nous célébrons le 57e anniversaire de la Révolution, n'est-il pas temps de faire un bilan de cet héritage et de nous regarder les yeux dans les yeux pour nous dire en toute vérité comment nous nous y sommes pris pour en arriver là? L'Algérie est un pays très complexe, riche de sa diversité culturelle - unique dans le Monde arabe - que l'on a voulu abâtardir et diluer dans le cocon de concepts importés du Moyen-Orient quand il fallait d'abord asseoir l'identité nationale algérienne. Et ne dit-on pas qu'un peuple incapable de se situer dans l'espace universel, n'a pas d'avenir? Aussi, l'une des récurrences de la crise algérienne est que l'enfant et l'adolescent algériens n'ont pas de repères socio-historiques, ni de prise sur leurs rapports à la Nation algérienne. Repères, rapports et traditions qui, partout ailleurs, constituent le socle de l'identité et du particularisme nationaux. Ce qui fait que près de 60 années après la Révolution, nous en sommes toujours à construire notre identité nationale. Cela est, à l'évidence, à porter au passif des équipes qui ont dirigé le pays depuis l'Indépendance. Que dire du fait que, 49 ans après sa libération, l'Algérie dépend des importations pour près de 90% de ce qu'elle consomme? Notre industrie encore à penser. Peut-on aujourd'hui nous dispenser de faire notre examen de conscience, alors que le pays n'a pas réalisé les objectifs que la Révolution de Novembre s'était fixés?