Le RDR de M.Ouattara était en passe hier de remporter la majorité absolue aux législatives, un scrutin boycotté par le camp de l'ex-président Laurent Gbagbo après la crise meurtrière de 2010-2011. Après avoir donné au compte-gouttes seulement 90 résultats en deux jours, sur 255 sièges à pourvoir, la Commission électorale indépendante (CEI) devait enfin dévoiler hier la totalité des chiffres des élections de dimanche. Mais la télévision publique a tué le suspense dès mardi: selon des résultats portant sur 228 sièges, le Rassemblement des républicains (RDR) de M.Ouattara est déjà, avec 123 sièges, à deux doigts de contrôler l'Assemblée, la majorité absolue étant de 128 sièges. Le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) de son allié, l'ancien chef d'Etat Henri Konan Bédié, comptera au moins 93 députés et 12 seront indépendants. Le Front populaire ivoirien (FPI) de M.Gbagbo avait décidé de boycotter ces premières législatives depuis 2000, jugeant que les conditions, notamment de sécurité, n'étaient pas réunies pour sa participation. Il protestait aussi contre la détention ou l'exil de la plupart de ses cadres et exigeait la libération de son mentor, y voyant un préalable à la «réconciliation». Arrêté le 11 avril, M.Gbagbo a été écroué fin novembre à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, qui le soupçonne d'être «coauteur indirect» de crimes contre l'humanité commis par ses forces durant la crise postélectorale de décembre 2010-avril 2011. Née de son refus de reconnaître sa défaite à la présidentielle de novembre 2010, la crise, conclue par deux semaines de guerre entre forces pro-Gbagbo et pro-Ouattara, a fait quelque 3000 morts: épilogue sanglant d'une décennie de tourmente que le scrutin était pourtant censé clore. Le Premier ministre et chef de l'ex-rébellion Guillaume Soro, dont certains lieutenants ont été accusés de graves crimes, doit rencontrer aujourd'hui à New York le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, et celle qui va lui succéder, Fatou Bensouda. Malgré une campagne marquée par cinq morts, le scrutin de dimanche s'est tenu sans incident majeur. L'ONU, les Etats-Unis et la mission d'observation de l'Union africaine ont salué son déroulement pacifique. L'ex-puissance coloniale française a vu dans ces élections «une étape importante de la consolidation de la démocratie et du processus actuel de reconstruction et de réconciliation». La mobilisation des électeurs a cependant été faible, selon les observateurs, loin des 80% de la présidentielle, un score historique. Mais, selon une source gouvernementale, la participation pourrait atteindre au moins les quelque 33% des dernières législatives. Le prochain rendez-vous majeur sera la formation d'un nouveau gouvernement, avec la question: Guillaume Soro, élu député avec un score soviétique (près de 99%) dans sa ville de Ferkessédougou (nord), sera-t-il reconduit au poste de Premier ministre? L'hypothèse a également couru qu'il puisse devenir président de l'Assemblée nationale. L'alliance du RDR et du PDCI avait permis à M.Ouattara de l'emporter au second tour de la présidentielle. Elle stipulait que le parti de M.Bédié aurait l'un des siens à la tête du gouvernement. Le maintien de M.Soro, au nom d'une situation intérieure toujours fragile, pourrait engendrer des grincements de dents du côté du PDCI qui, tout-puissant à l'époque du parti unique, doit désormais se contenter d'un rôle de second.