Le secrétaire d'Etat américain à la Défense s'est exprimé, hier, dans une interview exclusive sur cette chaîne star arabe. S'adressant ainsi à pas moins de 40 millions d'Arabes et de musulmans qui regardent régulièrement la chaîne qatarie, le secrétaire à la Défense se voulait très persuasif. Il est donc revenu sur le rôle qu'ont joué les Etats-Unis dans le monde arabe et musulman. «Les Etats-Unis ont sauvé le Koweït de l'invasion irakienne (...) ont aidé les musulmans au Kosovo et en Bosnie (...) ont offert leur assistance à la Somalie (...) Nous avons été le principal pays à approvisionner l'Afghanistan en nourriture avant même les dernières attaques», soulignait-il. A aucun moment, néanmoins, le secrétaire d'Etat n'a évoqué les intérêts américains qu'il fallait à tout prix protéger dans ces mêmes territoires ni même la position géostratégique de ces pays. Par des formules passe-partout, il a donné aux Etats-Unis le seul statut qu'ils n'ont jamais cessé de revendiquer : le rôle du «sauveur». Rumsfeld répétait sans vergogne que la présence des Etats-Unis dans des pays comme l'Arabie Saoudite se justifie par le seul fait de leur pouvoir de protection. «Nous ne sommes pas là où l'on ne veut pas de nous», déclarait-il suffisant. Il précisa ensuite que les Etats-Unis n'ont jamais convoité, ni occupé, ni conquis les territoires d'aucun pays. «Là où nous nous trouvons, c'est là où la population a décidé de nous voir assurer sa protection», ajoutait-il fermement. Il faut croire que le secrétaire d'Etat prend le rôle des Etats-Unis bien au sérieux! Leur présence en Afghanistan n'est ainsi perçue que comme une réponse ferme à un terrorisme qui s'est essayé à «se servir de l'Amérique contre l'Amérique», donc à se servir, selon ses dires, de la « liberté » et de la « libre société » américaines comme un moyen d'endommager cette même «libre société». Pour Rumsfeld, de tels objectifs sont hautement condamnables et les Etats-Unis se doivent de «montrer au monde» que jamais ils ne permettront que leur «style de vie nous soit enlevé ou volé». Ainsi, les choses semblent claires, il est hors de question, selon lui, de «voir des milliers d'Américains mourir et de ne rien faire». Le secrétaire d'Etat aboutit donc à la nécessité de trouver «les personnes coupables de ces actes» ainsi que les autres qui croient encore que ce genre d'actions est toujours possible afin «de les arrêter». Le calcul paraît, à première vue, très simple, sauf que Rumsfeld verse dans la schématisation. Il est très difficile de définir le parfait terroriste sans tomber dans l'amalgame. En essayant de trouver Ben Laden et de renverser le régime taliban, les Etats-Unis ne risquent pas moins la vie de millions d'Afghans parfaitement innocents. La catastrophe humanitaire, qui se prépare suite aux raids américains, est également hautement condamnable et les Etats-Unis, tant est grand leur désir de demeurer les «sauveurs» du monde, ne doivent pas l'ignorer.