Il ne fait aucun doute que les nouvelles «autorités» autoproclamées de Benghazi assumeront toutes les conséquences Tout porte à le croire après la décision prise hier par des responsables de la province de Benghazi de proclamer «l'autonomie» de la Cyrénaïque. Les lendemains de la chute du régime du colonel Mouamar El Gueddafi semblent plus problématiques que d'aucuns ne l'imaginaient. Après les combats inter-tribaux de ces dernières semaines, une nouvelle donne est intervenue hier avec la décision de chefs de tribus et de milices de l'est de la Libye, réunis en assemblée à Benghazi, de proclamer «l'autonomie» de la province. Cette entité a été appelée de l'ancien nom de la province «Cyrénaïque». Tout un symbole! Discutée depuis quelques jours, la décision de proclamation de l'autonomie de la région pétrolière de Benghazi vient surtout confirmer l'inconsistance du nouveau pouvoir qui s'est installé à Tripoli, pouvoir qui ne contrôle pas le pays lorsque les villes se sont érigées en autant de «principautés» s'accaparant une bonne partie du pouvoir. Les tribus, les milices, les villes, les régions détiennent ainsi des parcelles de pouvoir de plus en plus vastes au détriment du supposé pouvoir central du Conseil national transitoire (CNT) de plus en plus neutralisé par des forces qui échappent à son autorité. De fait, l'anarchie est totale dans un pays qui tangue de toutes parts. Contrairement à ce qui se passe dans les autres pays arabes touchés par le supposé «printemps», tels que la Tunisie, l'Egypte ou le Yémen, la situation reste difficile certes, mais il n'y eut pas cet effondrement du pouvoir tel que constaté en Libye. En réalité, près de six mois après la chute et l'assassinat de Mouamar El Gueddafi, le nouveau gouvernement libyen s'avère être inapte à diriger le pays, au moment où l'instabilité a augmenté. Cette instabilité est marquée, outre les combats intertribaux de ces dernières semaines, par le nouveau développement induit par la «proclamation» de l'autonomie de la région de Benghazi. C'est de cette province qu'est partie en mars 2011, la révolte contre le guide libyen, Mouamar El Gueddafi. Un an après, en mars 2012, voici donc des chefs de tribus et des milices qui décident que la «Cyrénaïque» doit ressusciter de ses cendres en l'intronisant région «autonome» de Libye, préconisant dans la foulée l'instauration du fédéralisme dans le pays. Dans des premières déclarations, les nouveaux dirigeants de la province rebelle ont affirmé que «la région fait le choix du système fédéral», dans un communiqué conjoint. Le même communiqué fait d'ailleurs état de «l'élection» de Ahmed Zubaïr el-Senoussi à la tête de l'entité baptisée donc «Cyrénaïque», laquelle s'étend de la frontière égyptienne à Syrte, région natale du colonel El Gueddafi. Des milliers de personnes ont assisté à cette cérémonie au cours de laquelle a également été nommé un Conseil «chargé de gérer les affaires de cette région», marginalisée durant les 42 années de règne sans partage du colonel El Gueddafi, rappelle-t-on. «Le Conseil intérimaire de Cyrénaïque a été établi sous la direction de Cheikh Ahmed Zubaïr al-Sénoussi pour gérer les affaires de la région et défendre les droits de ses habitants», précise le communiqué. Quoique ce nouveau «Conseil» de la «Cyrénaïque» réitère son appui au Conseil national transitoire (CNT, au pouvoir) qu'il qualifie de «symbole de l'unité du pays et représentant légitime (de la Libye) aux sommets internationaux» il n'en reste pas moins que nombre d'observateurs voient dans cette initiative de la région de Benghazi un premier pas vers la partition de la Libye. Il ne fait aucun doute que les nouvelles «autorités» autoproclamées de Benghazi assumeront toutes les conséquences ultérieures de cette nouvelle donne de la crise libyenne. Il est précisé par ailleurs, que le nouveau dirigeant de Benghazi, Cheikh Ahmed Zubair el-Senoussi, serait le cousin de l'ancien roi Idriss el-Sénoussi déposé le 1er septembre 1969 par le capitaine Mouamar El Gueddafi. Cheikh Zubaïr el-Senoussi est lui-même, indique-t-on, membre du CNT. Il faut toutefois relever que les autorités de transition avaient affirmé avant cette annonce que les appels au «fédéralisme» ne les inquiétaient pas. «Les Libyens se sont battus pour une Libye unie, si bien que ces demandes n'auront aucune conséquence», avait indiqué lundi Moustapha Abdeljalil, réélu à la tête du CNT. «Nous n'avons pas besoin du fédéralisme et nous ne sommes pas obligés d'adopter un système fédéral. Nous ne voulons pas retourner 50 ans en arrière», avait déclaré de son côté, lundi soir, le Premier ministre Abdel Rahim al-Kib lors d'un entretien télévisé. Cela semble déjà donner une indication quant à l'esprit avec lequel sont appréhendées les espérances des uns (édifier un Etat fédéral) et les certitudes des autres (quant à l'unité du pays, rejetant de fait le concept même de fédération). D'où le possible clash qui pourrait intervenir entre les dirigeants de Tripoli et ceux de Benghazi, lesquels croient fort que l'avenir de la Libye est dans le fédéralisme. En fait, ce serait là un retour au partage administratif qui existait à l'époque de l'occupation italienne avec les provinces de Tripoli (Tripolitaine, Ouest), de Benghazi (Cyrénaïque, Est) et de Sebha (Fezzan, Sud). Ce système a été supprimé en 1963, douze ans après l'indépendance du pays. Prenant les devants, le gouvernement avait annoncé, peu auparavant, la création de bureaux gouvernementaux décentralisés à Benghazi, capitale de l'Est, et Sebha, capitale du Sud désertique. Le fait avéré est que le CNT, qui a réintégré Tripoli, peine à instaurer l'ordre dans le pays et à exercer son autorité, au moment où les tribus et autres milices se sont érigées en autant «de pouvoirs» qui n'obéissent pas à Tripoli. De fait, les ex-rebelles surarmés, refusent de se placer sous l'autorité des autorités centrales. Le chaos, quoi!