Il a fait hier son dernier discours à la tête de son parti «Il est temps que les compétences formées dans et par le parti s'expriment et s'accomplissent», a expliqué le président du RCD. Leçon de pédagogie politique ou usure du pouvoir? Après 23 ans à la tête du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Saïd Sadi a décidé de passer le flambeau à la jeune génération. «Je vous annonce ma décision de ne pas me représenter au poste de président du RCD. J'ai longuement réfléchi, je m'en suis ouvert aux membres de la direction. Il est temps que les compétences formées par le parti s'expriment et s'accomplissent», a annoncé hier le président du RCD dans son discours au 4e congrès du parti à la Coupole à Alger. L'annonce tombe comme un couperet sur les 2000 congressistes. C'est l'émotion dans la salle avec les acclamations de l'assistance: «Sadi président, Sadi président!». Les larmes perlent des yeux des militants qui ne croyaient pas à une telle annonce. Le président du RCD ne s'est pas laissé emporter et soutient sa décision: «Y rester serait injuste à l'égard des cadres du parti et il est temps de libérer les énergies», a-t-il indiqué, expliquant qu'à travers sa décision, il veut casser cette catastrophique habitude politique qui veut que tout responsable meurt dans son poste. Le Dr Sadi a ajouté qu'il resterait militant du parti, estimant que l'on n'a pas le droit de revendiquer la liberté et la justice et s'exonérer d'un engagement personnel dans les luttes qui se mènent pour la démocratie. «Je pense sincèrement que désormais il faut que les jeunes cadres du parti, qui représentent déjà l'essentiel de la direction, assument leurs pleines responsabilités dans les nouvelles étapes qui attendent le pays», a-t-il déclaré. En agissant de la sorte, le président du RCD sert d'exemple et de leçon pour tous ceux, dans le pouvoir et à sa périphérie, qui s'éternisent dans leur poste. Saïd Sadi qui faisait, hier, son dernier discours à la tête du RCD, n'a pas manqué de l'«assaisonner» de critiques à l'égard du système et ses relais et dont le niveau tranche avec la médiocrité des discours des autres responsables politiques. Sadi Sadi a retracé le bilan du parti depuis sa création en 1989 et du pays depuis 1957, année de l'assassinat de Abane Ramdane et l'ébauche du détournement du destin national. Le Dr Sadi n'a épargné ni le pouvoir, ni le FLN, ni les autres composantes sur lesquelles repose le pouvoir algérien, dénonçant par- là même les campagnes de diabolisation qui visent son parti. Le constat est sans complaisance. Estimant que l'Algérie vit un moment critique de son histoire, l'orateur fait le constat que le message de la Révolution de Novembre et le programme de la Soummam sont reniés et combattus. «Les Algériennes et les Algériens, spoliés de leurs droits les plus élémentaires, sont aussi dépossédés de leur mémoire et exclus de leur histoire. L'Etat abandonnant ses missions sacrées, a muté en instrument d'une oligarchie s'adonnant à la rapine et l'exclusion en toute impunité», a-t-il dénoncé. Devant un climat pré-insurrectionnel national et un bouleversement régional, note le Dr Sadi, le régime en place prend toujours en otage le destin algérien et les dirigeants conçoivent la conquête du pouvoir et son exercice par la violence, l'opacité, le népotisme et la corruption. Et le bilan ne peut être que calamiteux. Le président du RCD le résume en ces termes: «Nos jeunes se jettent à la mer, nos cadres fuient par dizaines de milliers. Le pays perdant sa plus belle, sa plus précieuse des richesses se dévitalise. L'économie est prise en otage par des mafias, l'administration est délabrée, la justice est le symbole de l'indignité nationale et le gouvernement algérien est tribalisé. La mémoire algérienne est falsifiée, les ressources nationales sont dilapidées, hypothéquant le destin national, le pays est menacé d'éclatement et sur la scène internationale, nous sommes des pestiférés. Etant d'actualité, l'orateur a touché un mot sur les prochaines élections législatives. D'abord, il estime que «il est indécent d'entendre le système qui a semé, greffé et manipulé l'islamisme depuis un demi-siècle, prétendre en redouter l'avènement», soulignant que si un parti islamiste officiel a la majorité à l'assemblée, il chômera car son programme est appliqué depuis longtemps. Saïd Sadi estime qu'augmenter le nombre de sièges à l'APN au moment où les pays développés en réduisent le nombre participe de la même démarche: élargir les clientèles pour mieux asseoir ses réseaux. Le Dr Sadi dénonce également le pervertissement des observateurs internationaux qui risquent de «valider la fraude pour plonger le pays de plus en plus dans le chaos». «Le drame de l'Algérie est la fraude électorale», a-t-il regretté.