Depuis la diffusion, le 4 octobre dernier, des premières images d'Oussama Ben Laden, après les attentats du 11 septembre, cette chaîne qatarie est inscrite dans le plan de riposte américain comme une cible médiatique à détruire. D'ailleurs, son passage du satellite Eutelsat au bouquet numérique BSkyB et la décision de la conseillère du président américain d'imposer aux cinq Network américains de ne plus diffuser en direct les déclarations de l'organisation de Ben Laden sont quelques éléments qui démontrent la grande peur de l'Occident face à une chaîne qui a réussi, en quelques années, voire quelques mois seulement, à imposer son logo en calligraphie arabe sur les écrans des télévisions de la planète. Et pourtant, rien ne prédestinait cette chaîne à un parcours aussi fulgurant. Créée en novembre 1996, à l'initiative de l'émir du Qatar, le cheikh Hamed Ben Khalifa et de son ministre des Affaires étrangères, Al-Jazira était installée à Doha et a été dotée de 150 millions de dollars sur une durée de cinq ans. Elle bénéficie aussi d'un financement public à hauteur de 70% de son budget. Constituée au départ d'éléments venus des services arabes de la BBC, la chaîne a réussi, ensuite, à s'approprier les services des meilleurs journalistes arabes. Plusieurs d'entre eux étaient des vedettes sur la chaîne saoudienne Orbit, la chaîne tunisienne 7, la chaîne étatique jordanienne et surtout l'Entv. Ainsi, c'est avec un plaisir certain que les téléspectateurs algériens ont pu revoir les visages souriants de Khadidja Benguena et de Leïla Smati. La chaîne possède, à présent, trois cents employés et dispose de bureaux dans toutes les capitales européennes et arabes, avec une présence particulière dans quatre points chauds de l'Orient: les territoires occupés, Bagdad, Khartoum et Kaboul depuis 1999. C'est surtout cette dernière station qui lui a ouvert les portes de la notoriété et du succès médiatique. Le fait d'être la seule télévision à Kaboul lors de la riposte américaine et de diffuser des images en continu des bombardements à travers le monde, ont constitué une grave atteinte au monopole de l'image, assuré jusque-là par CNN, la chaîne d'info continue de Ted Turner. Al-Jazira a préféré pour cela, vendre ses images à Echostar, une boîte de communication américaine que de se faire doubler par CNN. Les Américains, très gênés par le succès d'Al-Jazira ont entrepris des démarches diplomatiques plus au moins secrètes auprès des gouvernements arabes pour serrer la vis à cette télévision, qui sert, selon eux, de tribune d'expression à Ben Laden et qui contribue, à coup sûr, à diffuser les messages codés des islamistes.