Hier, à Tizi Ouzou, hormis les gens concernés par l'organisation des diverses festivités du Cinquantenaire, les gens ne paraissaient guère en phase avec l'événement. Le Cinquantenaire de l'Indépendance sera célébré par les autorités de la wilaya de Tizi Ouzou. Le riche programme concocté pour l'occasion a débuté depuis quelques jours pour atteindre son apogée aujourd'hui. Le premier responsable de la wilaya a effectué, hier, une sortie au cours de laquelle il a procédé à l'inauguration de plusieurs infrastructures dans plusieurs communes. Cependant, ce riche programme officiel se trouve privé de la présence de la population de ce bastion de la Wilaya III historique qui a souffert le martyre pendant la guerre de Libération. Villages entièrement rasés, populations déplacées, tortures, famine, souffrances consenties pour se libérer de la quatrième puissance militaire de l'époque. Où sont donc, aujourd'hui, ces populations dans la célébration d'un demi-siècle d'indépendance? Que pensent et disent ces populations qui verront de loin ou qui seront déjà endormies au moment du feu d'artifice qui aura lieu au Musée du moudjahid la nuit du 4 au 5 juillet à 00h? Hier, à Tizi Ouzou, hormis les gens concernés par l'organisation des diverses festivités du Cinquantenaire, les gens ne paraissaient guère à jour avec l'événement. Cinquante années après l'Indépendance, cette célébration devait être celle de la jeunesse. D'autant plus que cette date s'est vue enrichie par la Fête de la jeunesse. Nous nous sommes donc rapprochés de cette catégorie de la société pour connaître son avis: «Si c'était à refaire, j'aurais fait la même chose que mon grand-père. Mourir au champ d'honneur, les armes à la main. Mais, je suis sûr que là où il est maintenant, il ne doit pas être heureux en me voyant triste dans ce pays. Je ne pense qu'à partir ailleurs. Vous croyez que j'ai quelque chose à faire de leur fête? Moi, je veux du travail.» Les propos sont de Samir, jeune diplômé de l'université de Tizi Ouzou. En effet, au niveau des petites villes, des villages et des chefs-lieux de communes, aucun signe de fête n'est perceptible chez la population. Les gens vaquaient à leurs occupations. Les cafés sont pleins de jeunes et de retraités. Les jeux de dominos pour passer le temps comme c'est l'habitude depuis des lustres. Au niveau des chefs-lieux, les passants, généralement allant vers les services de l'état civil des mairies, avaient une mine grise comme s'ils se dirigeaient vers le cimetière. «Je n'ai même pas remarqué ces drapeaux. On vient juste de les mettre. Ils ont même refait la peinture des bordures des trottoirs. Génial! C'est la Fête de l'indépendance qu'ils fêtent alors?» ironise un homme qui sort du service de l'état civil. «Je ne me souviens pas avoir été invité à cette fête de l'indépendance. Ils ont toujours fêté ça entre eux. D'ailleurs, pour qu'on ne vienne pas, nous le peuple, ils fêtent leur indépendance à minuit. Pendant que nous, nous dormons, n'est-ce pas?», affirme un vieil homme l'air railleur. Dans le sillage de nos conversations, nous avons jugé utile de nous adresser à de vieilles femmes. Notre interlocuteur nous a informés que c'étaient des veuves de chahids. Ce qu'elles nous ont effectivement confirmé. «Je n'ai jamais participé à ces fêtes du 5 Juillet et du 1er Novembre. Je rends visite à chaque occasion à mon défunt mari. Je pleure sur sa tombe et retourne à la maison», dira Yamina, qui approche les quatre-vingts ans. «Moi, j'accrochais un drapeau à l'occasion, vingt ans après l'Indépendance. Maintenant, je ne le fais plus. Je connais des gens qui étaient avec mon mari le jour de sa mort au maquis et qui ne se sont jamais dit un jour qu'il fallait aller chercher des nouvelles de la veuve de leur ami», ajoute une autre. «Je suis triste, mon fils. Vieille que je suis, on m'a obligée à faire la queue dans la pluie, durant plusieurs jours pour me faire délivrer une attestation de chahid. Normalement, ce sont les amis de mon mari restés, eux, en vie, qui devaient penser à nous éviter cette fatigue. Nous sommes vieilles maintenant, mon enfant. Je me souviens qu'on nous a embarquées dans des camions pour aller défiler à Alger le jour de l'Indépendance et depuis, je n'ai revu personne. Je touche une pension, oui, mais ce n'est pas l'argent que je demande», affirme une autre. En fait, la célébration du Cinquantenaire ne diffère de rien des précédentes célébrations de la fête de l'Indépendance. Les populations ne se sont jamais senties concernées par les festivités officielles. Deux causes s'imposent comme les plus importantes de cette désaffection. La Fête de l'Indépendance aurait gagné en ampleur si la jeunesse avait été impliquée dans son organisation. L'animation festive de la société harmonisée au goût de cette catégorie donnerait un réel air de fête à cette date au lieu des cérémonies officielles qui doivent rester dans le cadre officiel. La seconde raison réside, selon les jeunes eux-mêmes, dans la situation qu'ils sont en train de vivre. En proie à tous les fléaux, comme le chômage, la drogue, la harga, ces derniers n'ont pas du tout l'envie de festoyer. Enfin, au vu des différents avis des populations composées essentiellement de jeunes et les célébrations de la Fête de l'Indépendance, il s'avère qu'il est grand temps de procéder au passage du flambeau.