Il n'y a pas meilleure manière de rendre compte des choses que d'en parler simplement. Il est tout à fait superflu, en effet, d'aligner de longs chiffres et il est tout aussi inutile d'accrocher, au mur de notre quotidien, de prétendues réalisations alors que nous savons bien de quoi est réellement fait ce quotidien. Il ne sert à rien de gaspiller les milliards de dollars au seul but de nous convaincre du contraire de ce que nous voyons, regardons et buvons chaque jour que Dieu fait. Certes, les peuples ont tendance à oublier mais nul ne peut dire qu'ils sont amnésiques. On peut discuter des années et des années, comme cela a été fait d'ailleurs jusque là, de ce que les gouvernements successifs ou, pour être plus clair, de ce que l'Etat a donné au peuple et l'on dira ce qu'on veut, cela n'empêchera pas, pour autant, d'arriver toujours à la même conclusion. Simple mais irréfutable. Des années durant, ce peuple a su patienter et garder haute la tête malgré la hogra qu'il a vécue dans sa chair, le mépris dont il a fait preuve, malgré le «défavoritisme» qui le frappe depuis plus de trente années, pour servir une caste de parvenus éhontés et sans mérite autres que l'incapacité à faire quoi que ce soit et la soumission aux maîtres du jour. Des années durant, ce brave peuple a su patienter devant le manque injustifié et répété des denrées les plus ordinaires, il a su laisser passer les pénuries provoquées, la dégradation du niveau de vie, la qualité minable du service public, la détérioration des valeurs les plus profondes dans son histoire et sa personnalité. Il a assisté sans mot dire à l'éviction d'un président de la République et à l'assassinat de son successeur, se contentant, chaque fois de tout refouler à l'intérieur, pour le bien du pays, rien que pour le bien du pays. Des années durant aussi, il a vécu, dans son sang, un terrorisme des plus aveugles et des plus bizarres de toute l'histoire de l'humanité, sans jamais comprendre comment ni pourquoi il a vu le jour chez lui qui est le plus modéré dans sa religion, le plus tolérant dans ses relations et le plus facile à vivre. Le peuple algérien a su, chaque fois, se hisser à la hauteur des attentes de son pays et de ses enfants. Il a su regarder au-delà des apparences, au-delà de l'immédiat, pour dépasser les passions et les ressentiments et c'est ce qui a fait qu'il ait su fermer les yeux devant les exactions de certains, les dérives des autres, l'incapacité et l'inaptitude des uns et des autres. Il a pu déjouer les pièges et aller par-dessus les obstacles pourvu que survive l'Algérie et pour que vive l'Algérie. Mais, de l'autre côté qu'a donc reçu ce peuple? Rien que du mépris, rien que de la hogra. On peut encore aligner les insultes qu'il a reçu et le dédain de la part de quelques incapables notoires. Mais ce peuple-là, ne peut pas être indéfiniment patient combien même le voulait-il. Et même s'il le pouvait ce n'est certainement pas devant les bêtises qu'on ne cesse de lui déballer-ci et là. Les émeutes qui se propagent ces jours-ci à cause de l'électricité sont, en quelque sorte, le ras-le-bol exprimé face à l'incompétence. Comment est-ce possible que nous en soyons là encore? Etre incapable d'assurer la couverture en électricité des citoyens n'est pas une promesse électorale non tenue, ce n'est pas non plus le résultat d'un imprévu qu'on peut comprendre et laisser passer, c'est un manquement grave, très grave même, au devoir d'Etat et aux responsabilités du gouvernement. Quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse on ne pourra jamais nous convaincre du contraire car il est des choses qui ne peuvent souffrir d'ambiguïté et les coupes répétées en électricité font justement partie de ces choses-là car rien au monde, absolument rien, ne peut justifier un tel comportement de la part de la Sonelgaz et rien non plus ne peut justifier le silence du gouvernement et de l'Etat devant un tel fait qui, pour rappel, sévit chez nous depuis trois éternités sans que jamais quelqu'un ait eu même à s'excuser. Sommes-nous incapables d'approvisionner chaque citoyen en électricité? Cela est tout à fait clair et il ne subsiste aucun doute là-dessus! Depuis des dizaines d'années, les Algériens sont mal approvisionnés en eau, et il n'existe pratiquement pas un endroit où l'eau coule normalement. On doit attendre, là une journée sur deux, là-bas deux journées sur trois, pour ouvrir le robinet. En attendant, ce sont les bidons, les jerricans et les bouteilles d'occasion qui sévissent. La plupart ont opté pour les pompes, à cause de la défaillance de l'Etat et de son incapacité à fournir l'eau à tout le monde. Question eau, nous ne sommes pas sortis de l'auberge. Et la denrée rare et vitale demeure l'obsession de l'Algérien encore au XXIe siècle. Sommes-nous incapables d'avoir de l'eau potable dans le robinet comme le reste du monde? Sans doute! L'autre aspect de notre quotidien est notre route. Un ensemble de nids-de-poule, de dos-d'âne et de crevasses. Des ponts non alignés sur la chaussée et le tout pour avoir des secousses interminables. Rien de mieux pour détruire les véhicules des gens et Dieu seul sait ce que certains ont dû trimer pour l'avoir ce véhicule. Sommes-nous incapables d'avoir des routes comme le reste du monde? Oui, cela ne fait pas de doute! C'est ce genre d'incapacités réunies et accumulées qui ont fait les émeutes de ces derniers jours et qui risquent d'en faire encore. Avec l'arrivée du mois de Ramadhan, avec la forte chaleur de cette année et avec le niveau de vie qui ne cesse de se dégrader, il est à craindre que les choses ne tournent mal. Tout cela à cause de l'incompétence, rien d'autre! Le fait aggravant est que les responsables ne semblent pas conscients de ce qui arrive au peuple. Ils pensent au contraire que tout va bien en «ici-bas». Une autre preuve d'incompétence si besoin est.