Après les élus locaux, c'est l'administration qui est maintenant dans le collimateur de la population. La colère est montée de plusieurs crans depuis le début de l'été chez les populations. En ces jours de canicule amplifiée par le Ramadhan, les robinets restent avares dans de nombreuses communes de la wilaya de Tizi Ouzou. Des comités de villages s'organisent alors que d'autres sont déjà passés à l'action. A Maâtkas, avant-hier, les citoyens ont fermé les bâtiments de l'administration locale durant toute la journée. L'ire gronde dans plusieurs villages qui n'ont pas reçu une goutte d'eau depuis des mois. A Boudjima, dans l'autre versant de la wilaya, les comités de villages viennent de donner un délai aux services concernés pour mettre en oeuvre leurs promesses d'alimenter régulièrement les foyers en eau potable. De ce côté, le manque est dramatique. Certaines localités n'ont pas reçu d'eau potable depuis plus d'une année. Cependant, sur la place publique, l'opinion générale des habitants commence à changer. Beaucoup de personnes interrogées signifient leur désenchantement de leur élus. «Je sais à présent que les élus ne peuvent rien faire. C'est l'administration qui peut faire mais elle ne veut pas», affirme, d'emblée, Hamid, ingénieur en hydraulique. «Ce sont les gens de l'administration qui bloquent les élus. Sans budget conséquent, que peut-on attendre d'un maire?» explique, furieux, un membre d'un comité de village. D'autres avis critiquent plutôt l'Etat et son incapacité à garantir le minimum de survie à la population alors que la nature l'a dotée d'une réserve d'eau inestimable. «Vous connaissez l'histoire de celui qui est mort de faim devant son plat de couscous parce qu'il ne savait pas porter la cuillère à sa bouche?», nous réplique, l'air malicieux mêlé de sagesse, Si Moh. Dans les jours qui viennent, la contestation va s'amplifier. La situation est intenable. Jusqu'à hier, les arguments des élus qui s'avouaient incapables de résoudre ce problème semblaient convaincre. La colère se dirige de plus en plus contre l'administration. Des actions de colère sont prévues dans plusieurs communes. L'ire coïncide avec ces journées difficiles du mois de jeûne. «On n'en peut plus. Les prix qui augmentent, le transport qui devient anarchique, la rentrée scolaire qui approche juste après les dépenses de Ramadhan et par-dessus l'eau on doit la mendier ou la chercher à dos d'âne. Quelle misère!», s'exclame un homme au marché de Tizi Ouzou. «Un peuple assoiffé qui ne fait rien. C'est qu'il mérite toute cette misère qu'on lui fait subir», dit un autre jeune qui s'est introduit dans la discussion avec colère. Enfin, il est à signaler que la colère est aisément visible. Avec des réserves d'eau en abondance, les services chargés de l'adduction peinent à alimenter des villages avec des conduites. Une situation risible dans laquelle la métaphore de Si Moh trouve tout son sens. En tout état de cause, la situation de l'alimentation en eau potable appelle un constat. Ce n'est pas la sécheresse, ce n'est pas le manque de réserves d'eau qui tarissent les robinets. C'est une histoire banale de tuyaux. L'on ne peut alors que constater de deux choses l'une, ou bien les gens chargés du dossier d'adduction en eau potable ne peuvent pas pour manque de compétence ou bien ils ne veulent pas, car sans conscience.