A la veille de toute fête, les magasins de la ville prennent les devants pour allécher leur clientèle. Les vitrines illuminées, exposent des effets vestimentaires, des chaussures, des coiffes, et les babioles les plus appréciées par nos chérubins. Ces derniers n'hésitent d'ailleurs pas à tirer leurs parents par la manche et à les entraîner à l'intérieur de ces cavernes d'Ali Baba où, comme vous avez pu le constater, les prix ne sont pas accessibles aux bourses moyennes. Le mois de la piété ayant vidé les poches, malin sera celui qui pourra encore serrer davantage la ceinture. «Nous sommes déjà bien gênés», nous dira une mère de famille. Avec l'Aïd qui approche à grands pas, nous ne pouvons que rendre les armes. Tant pis, nos enfants porteront les effets de la rentrée...» Un père de famille suggère encore: «Il va falloir peut-être encore une fois avoir recours au crédit... Tant pis pour les jours à venir...» «Toutes nos fêtes ne sont que fatigue et dépenses, ajoutera une vieille femme. Vous avez oublié aussi les gâteaux qu'on va devoir préparer avec les amandes qui coûtent les yeux de la tête !» Omar, un «petit voyou» pas plus haut que trois pommes, s'est déjà servi. Il a déjà choisi une chemise, un pantalon et une paire de chaussures en daim. Sa mère qui s'affairait ailleurs ne l'avait pas remarqué. Il avait eu tout le temps de faire ses emplettes. Il revint pourtant vers elle pour lui montrer ses acquisitions. Eclats de voix et larmes. Le petit est sommé de remettre toutes ces choses à leur place. Omar, la mort dans l'âme, s'exécute. Son air joyeux a cédé la place à un air de tristesse. Presque en larmes, il suit sa maman qui lui montre un petit pull en laine. Non, ce n'est pas ce qu'il voulait. Pourtant, devant l'air sévère de sa maman, il n'avait plus le choix. C'était ça ou rien et son Aïd n'en sera que plus triste. Plus loin, c'est la fripe qui envahit les ruelles de la ville. Les revendeurs de ces vêtements à l'odeur infecte ont apparemment trouvé le filon d'or. Quelques pères de famille n'hésitent pas à s'approcher des ballots exposés parfois à même le sol pour fouiner dans les tas de pulls, de chaussettes, jaquettes, blouses, chemises. Il y en a pour tous les âges et pour toutes les tailles. Tant pis si la couleur n'est plus fraîche, si les boutons manquent ou si quelques ourlets sont défaits. Les prix sont accessibles et, à la fin des achats, il y a toujours un arrangement. Loin de se décourager, ces braves pères de famille cherchent encore à faire plaisir à leur progéniture malgré la dureté des temps, et leurs moyens insignifiants. Certes, il y a de ces jours où la Providence finit par arranger les choses. Ils n'ont plus que leur foi pour résister.