Une opération des forces de sécurité était en cours hier pour la libération d'un député turc kidnappé la veille par des rebelles kurdes, une première en Turquie depuis le lancement de la lutte armée du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) il y a près de trente ans. Hüseyin Aygün, député du Parti républicain du peuple (CHP), principale force d'opposition, a été enlevé dimanche dans une zone rurale par un groupe de rebelles kurdes armés alors qu'il visitait sa circonscription de Tunceli (est), un des théâtres de combat entre le PKK et l'armée. Dans un communiqué, le PKK a confirmé hier avoir «placé en détention» le député et sommé les autorités turques à mettre fin à l'opération visant à le secourir. «Le député Hüseyin Aygün a été placé en détention par nos combattants», a indiqué la branche armée du PKK, le HPG, dans un communiqué diffusé sur l'agence pro-kurde Firatnews. «Une opération a été lancée (...) Celle-ci met en danger la vie du député», a souligné le PKK. Les rebelles ont laissé partir l'assistant de M.Aygün et un journaliste qui les accompagnait tout en s'emparant du député, a déclaré le gouverneur de Tunceli Mustafa Taskesen. Selon l'entourage de M.Aygün, le PKK aurait promis de le libérer «dans quelques jours», un rapt visant à attirer l'attention de l'opinion publique sur la cause kurde. Le ministre turc de l'Intérieur Idris Naim Sahin a confirmé cette hypothèse, affirmant que le PKK avait voulu créer «la sensation» en ravissant ce député avant l'anniversaire, le 15 août 1984, de ses premières opérations armées dans le sud-est anatolien, peuplé majoritairement de Kurdes, rapporte l'agence de presse Anatolie. «Nous poursuivons de près l'affaire», a-t-il dit. Le 15 août 1984, les rebelles kurdes du PKK attaquaient pour la première fois des unités de l'armée et de la police dans le sud-est, à Eruh et Semdinli. Depuis lors, le conflit a fait quelque 45.000 morts. A l'origine le PKK ambitionnait la création d'un Kurdistan séparé dans le sud-est du pays, mais il a évolué vers la défense de droits culturels et démocratiques pour une minorité estimé à 20% des 75 millions d'habitants que compte la Turquie. Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par nombre de pays et d'organisations. «Pour la première fois, un parlementaire a été enlevé par une organisation terroriste. Cela démontre le niveau où est arrivé le terrorisme», a déclaré Haluk Koc, porte-parole du CHP qui devait tenir une réunion urgente de ses instances dirigeantes lundi à Ankara. Le conseil des ministres qui se réunira, comme tout les lundis, dans la capitale turque doit également se pencher sur cette affaire. Ce rapt «montre quel genre d'organisation est le PKK», a commenté dimanche soir le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan qui a assuré que «toutes les forces de sécurité traquent les terroristes». M.Aygün, un Kurde âgé de 42 ans et avocat de formation, avait attiré les foudres du PKK dans le passé en appelant le mouvement à renoncer purement et simplement à la lutte armée. Les rebelles kurdes enlèvent souvent des travailleurs, militaires ou responsables locaux pour les utiliser comme monnaie d'échange contre la libération de rebelles capturés. Trois militaires ont ainsi été récemment enlevés. Les combats entre le PKK et l'armée s'intensifient régulièrement l'été. Dimanche dernier, des rebelles ont attaqué un poste de l'armée proche de la frontière irakienne (sud-est), provoquant des affrontements qui ont fait 22 morts. La tension est récemment montée d'un cran dans le dossier kurde, les autorités turques ayant menacé de mener des opérations contre le PKK en territoire syrien déchiré par un conflit généralisé si ce dernier était utilisé par les rebelles kurdes pour déstabiliser la Turquie.