Les deux comédiens ont interprété des textes épineux et gargantuesques de par leur riche évocation littéraire et théâtrale... «Le tumulte des mots» est le titre du spectacle de la troupe café-théâtre El Gosto, organisé à la bibliothèque du Palais de la culture et basé sur la lecture d'un ensemble de textes issus du premier ouvrage Le Mythe en héritage (Editions Hikma 2012, 238 pages) de l'ancien ministre de la Communication, Mohamed Abbou, en présence de la directrice du Palais de la culture, Mehadjia Bouchentouf et d'écrivains telle Leila Aslaoui. Ponctués et soutenus par le jeu entraînant de Saoudi Nourredine au mandole, les comédiens Sofiane Attia et Bendaoud Mohamed-Seghir n'ont pas lésiné sur un ton bon enfant et humoristique, interprétant un recueil de textes souvent drôles et métaphoriques. Une lecture qui a débuté pompeusement avec une description des paysages d'une ville ou d'un village, on présume que c'est le village imaginaire de Sidi Boukhabza dans lequel la fable satyrique semble émerger pour donner cours à de nombreux récits, servis de personnages caricaturaux à l'exemple du saint «Sidi Feltane» et de sagesses populaires des petites gens. Les récits présentent aussi des situations des plus cocasses, notamment dans la tentative d'une représentation théâtrale dans un stade malencontreusement saboté par une bien maladroite remise en ordre des policiers, n'étant pas mis au courant de la démarche artistique. Une comédie de vaudeville, des critiques d'injustices sociales et d'esprits étriqués, dénués de bon sens, à l'exemple des autorités locales qui s'engraissent et des déclarations comiquement émollientes qui font pourtant trembler les printemps de ces récits aux assonances épiques. Mais c'est avec un réel talent et du coeur à l'ouvrage que les deux tonitruants comédiens ont interprété des textes épineux et gargantuesques de par leur riche évocation littéraire et théâtrale, en dépit d'une certaine longueur non préjudiciable. En plus de la lecture du texte, la mise en scène a proposé des digressions et des jeux de comédiens qui n'ont pas manqué d'amuser le public présent dans la petite salle de la bibliothèque. La compagnie El Gosto s'était ingénieusement illustré à travers leurs précédents spectacles «Café bonheur» et «El Machina», mêlant le théâtre algérien aux anciennes formes d'expression populaire. En outre, le choix du récit comme de la mise en scène ont indiqué une volonté de la troupe à reconstituer une véritable ambiance de la halqa où le comédien (goual, meddah...) déclame ses histoires. Mohammed Abbou s'est dit fier de la représentation à la fin du spectacle en «redécouvrant» la fraîcheur et l'aspect truculent de ses textes par l'intermédiaire d'une lecture «appliquée et audacieuse». Il s'est également exprimé sur les préoccupations de ses récits métaphoriques (constitués à partir de chroniques hebdomadaires dans le journal Le Quotidien d'Oran). «Je me suis interrogé sur l'apport du mythe et de la fable, sur cet art mis sur le banc de touche, de «l'intelligence» aussi «mise en retraite» et des travers d'une «société hasardeuse». Par ailleurs, Ziani Chérif Ayad auteur de la mise en scène et directeur de la troupe théâtre El Gosto, s'interrogera sur la place et le rôle de l'intellectuel algérien face à sa société et de la nécessité de disposer de plus d'espace d'expression pour les jeunes auteurs. Il s'est dit aussi responsable, du fait d'avoir forcé sur le trait de la description des intellectuels afin de susciter le dialogue. Les spectacles d'El Gosto espérons-le, continueront d'émouvoir les petites salles dans leur réel souci d'encourager ce genre de théâtre populaire à l'écoute des débats sociaux et culturels.